Standard Operating Procedure

fr
00:00:19 C'était un méga-foutoir, ça c'ést sûr.
00:00:23 Ça c'ést sûr.
00:00:24 Jamais vu un truc pareil.
00:00:27 J'imaginais pas voir des soldats américains
00:00:31 si déprimés, le moral à zéro et...
00:00:35 C'était incroyable. De A à Z.
00:00:44 Tu dois te considérer mort.
00:00:47 Et si tu reviens, t'as du cul.
00:00:50 Mais si là-bas tu te considères déjà mort,
00:00:54 tu peux faire toutes les merdes
00:00:59 Je conseille pas des vacances
00:02:55 Quand les fils de Saddam,
00:03:03 on a récupéré beaucoup d'informations.
00:03:08 C'était une opération-clé.
00:03:10 Plus besoin de se soucier d'Uday et Qusay,
00:03:13 il faut utiliser ces informations
00:03:22 Après ce haut fait,
00:03:24 le Secrétaire à la Défense
00:03:33 Il voulait voir la prison,
00:03:37 et faire la visite d'usage des lieux,
00:03:40 y compris les chambres de torture
00:03:43 On avait prévu plusieurs animations.
00:03:47 D'abord, les chambres de pendaison
00:03:53 Alors qu'on s'apprêtait à continuer la visite,
00:03:56 il a dit : " Je ne veux pas aller plus loin.
00:04:03 " Rassemblons des soldats
00:04:06 " Je n'ai pas besoin d'en voir plus. "
00:04:10 Et il est parti.
00:04:15 Entre en scène le général Miller,
00:04:17 le gourou des interrogatoires
00:04:21 et de la collecte
00:04:26 Il arrive le lendemain
00:04:30 Il va " guantanamiser" les opérations.
00:04:34 Interrogateurs contractuels,
00:04:36 militaires qui ont fait l'Afghanistan
00:04:40 tous arrivent après la visite de Miller.
00:04:43 Il n'a pas peur de dire :
00:04:48 " Ils doivent savoir
00:04:53 Le Bloc 1A est transféré sous l'autorité
00:04:55 JANIS KARPINSKI
00:04:56 du colonel Pappas,
00:04:59 Le Bloc 1 B, quelques jours plus tard,
00:05:02 revient au colonel Pappas et m'échappe.
00:05:05 Ces cellules seront réservées
00:05:08 aux détenus de valeur maximale.
00:05:12 Abu Ghraib devenait
00:05:14 ce que le général Miller
00:05:19 le centre d'interrogatoires d'Irak.
00:05:26 Courrier gratuit
00:05:30 1er octobre 2003,
00:05:35 Il est 21 h, on entend des tirs.
00:05:39 Les lumières blanches
00:05:43 Et défense de sortir du bâtiment.
00:05:46 Pourvu qu'on reste pas longtemps.
00:05:48 A notre arrivée, 2 hélicos se posaient
00:05:54 J'ai peur des hélicos à cause du rêve...
00:05:58 La queue se balançait.
00:06:01 Une énorme flamme apparaissait
00:06:18 Je le sens mal, cet endroit.
00:06:22 La prison s'appelle Abu Ghraib.
00:06:25 30000 personnes y ont été assassinées.
00:06:30 Il y a une chambre où on les pendait.
00:06:35 Je crois pas trop aux fantômes,
00:06:41 J'espère rentrer pour Noël ou juste après.
00:06:45 Je t'aime.
00:06:47 Sabrina.
00:06:52 On arrive par la route,
00:06:56 Genre 6 terrains de foot.
00:06:58 Et on voit le panneau " Fallujah" ,
00:07:03 On dit : " On est en plein dedans."
00:07:05 On entre, y a des gravats partout,
00:07:08 des bâtiments bombardés,
00:07:11 des chiens qui courent,
00:07:16 Une puanteur insupportable.
00:07:18 Urine, excréments, cadavres décomposés.
00:07:24 C'est infect. T'as envie de toucher à rien.
00:07:28 Et il a fallu qu'on s'installe
00:07:39 Tu fais le tour de ta zone,
00:07:41 tout à coup...
00:07:44 Boum ! Tout le monde crie : " Alerte !"
00:07:47 Boum ! Alerte ! Il faut courir.
00:07:53 Tu pètes les plombs
00:07:58 A la longue, t'as plus peur, t'és en rogne.
00:08:01 " Jamais on riposte ?"
00:08:04 Y en a une qui a traversé le toit
00:08:11 Elle atterrit par terre.
00:08:13 Les soldats font : " Merde, alors !"
00:08:17 Pas " Merde, alors !" .
00:08:29 En sortant de la partie principale,
00:08:32 t'arrives au 1A/1B.
00:08:34 Il y avait déjà des détenus interrogés.
00:08:36 Et là, j'ai vu la nudité. Je fais :
00:08:38 JAVAL DAVIS
00:08:39 " Sergent, pourquoi ils sont tous nus ?"
00:08:42 " C'ést le RM, le Renseignement Militaire.
00:08:45 " C'ést leur truc. Je sais pas."
00:08:47 " Pourquoi ils portent des petites culottes ?"
00:08:50 Lui : " Pour les faire craquer."
00:08:53 Des mecs nus ou en petite culotte,
00:08:55 des mecs menottés en position de stress,
00:08:59 en cellule d'isolement,
00:09:03 On ouvre la porte, on allume.
00:09:05 " Oh, mon Dieu, Allah !"
00:09:07 On éteint, on ferme la porte.
00:09:11 Lui : " Le Renseignement Militaire.
00:09:13 " Te mêle pas de ça."
00:09:15 Là, je me dis : " Ça tourne pas rond ici."
00:09:20 J'assurais la gestion.
00:09:22 Parfois je finissais à 22 h,
00:09:23 parfois j'y passais la nuit.
00:09:25 LYNNDIE ENGLAND
00:09:27 Ça dépend du nombre de prisonniers.
00:09:29 Parfois on en entrait 200, le soir
00:09:32 et je restais jusqu'à 6 h du matin.
00:09:35 Ensuite, j'étais de garde à 6 h.
00:09:37 Après la garde, je dormais 2 h
00:09:44 En général, j'allais sur le site en dur
00:09:49 Il y avait Megan, Graner et Freddy.
00:09:52 Ils regardaient un film
00:10:00 Certains soirs, je montais.
00:10:03 Il y avait des hommes en position de stress.
00:10:07 Ils leur faisaient faire des flexions.
00:10:11 Ils les faisaient courir dans l'éscalier.
00:10:15 On trouvait ça inhabituel,
00:10:19 bizarre et mal.
00:10:22 Mais quand on est arrivés,
00:10:26 l'habitude était déjà prise.
00:10:28 C'ést ce qu'on voyait.
00:10:30 C'était normal.
00:10:35 La première chose que j'ai remarquée,
00:10:38 c'ést ce type.
00:10:40 Un slip sur la tête,
00:10:48 Ils lui posaient des questions.
00:10:50 C'ést la 1 re fois que j'ai pris des photos.
00:11:05 J'ai écrit une lettre à Kelly,
00:11:12 20 octobre 2003.
00:11:16 Impossible de me sortir ça de la tête.
00:11:18 En bas, j'ai vu le chauffeur de taxi
00:11:23 nu, son slip sur la tête et le visage.
00:11:29 On aurait dit Jésus-Christ.
00:11:31 Ça m'a d'abord fait rire,
00:11:36 Un des gars lui a tapoté la bite
00:11:41 Ok, c'est drôle.
00:11:43 Et puis j'ai pigé.
00:11:46 C'est une forme de brutalité.
00:11:50 J'ai repris des photos pour garder une trace.
00:11:54 Peu de gens savent ces saloperies.
00:11:58 Ma présence n'a qu'un but,
00:12:00 prouver que les Etats-Unis,
00:12:05 Mais est-ce que je tiendrais mentalement ?
00:12:08 Et si j'étais à leur place ?
00:12:16 Je croyais pouvoir tout encaisser.
00:12:20 Je me trompais.
00:12:24 Si je vous dis : " Il se passe ça" ,
00:12:27 vous me croirez pas si j'ai rien à montrer.
00:12:31 Si je dis : " Il se passe ça, j'ai des preuves" ,
00:12:34 vous pouvez pas nier.
00:12:42 Détenu 151128 tombé par terre
00:12:44 Gus, c'était le prisonnier avec la laisse.
00:12:48 On le croyait dans l'armée irakienne
00:12:52 " Saddam va revenir vous tuer.
00:12:57 Ce genre de truc. Il avait la haine.
00:12:59 On le prenait pour un type important.
00:13:01 Et puis on a appris
00:13:06 Il s'était soûlé et avait tabassé quelqu'un.
00:13:10 C'était un détenu ordinaire
00:13:16 A son arrivée, il a arrêté de manger.
00:13:19 Il a fallu le shooter.
00:13:23 5 à 8 intraveineuses par jour
00:13:25 ou des poches de sérum
00:13:29 Gus nous agressait verbalement,
00:13:34 Graner lui a mis la laisse.
00:13:36 Du coup, il est sorti en rampant
00:13:40 Et puis Graner a donné la laisse à Lynndie.
00:13:46 Et il a pris les photos.
00:13:49 Gus s'ést mis debout.
00:13:51 Ils ont fait croire
00:13:55 J'étais là, je sais que c'ést faux.
00:13:57 MEGAN AMBUHL GRANER
00:13:58 C'était pas très orthodoxe,
00:14:00 mais il est sorti de la cellule.
00:14:03 Il a blessé personne et il a pas été blessé.
00:14:07 Graner avait l'appareil photo dans sa poche.
00:14:11 Il nous a fait descendre, Ambuhl et moi.
00:14:15 Quand il a ouvert la porte,
00:14:19 Gus était là, nu.
00:14:21 Il refusait de se lever.
00:14:27 Il la lui a mise autour du cou
00:14:32 pour le faire sortir en rampant.
00:14:34 Il a presque passé la porte.
00:14:46 Graner m'a dit de tenir la sangle.
00:14:50 Je l'ai prise.
00:14:51 On voit qu'il y a du mou.
00:14:56 On prétend que je l'ai traîné,
00:14:59 mais j'ai jamais fait ça.
00:15:07 Graner a pris 3 photos d'affilée.
00:15:13 On voit Megan sur le côté, debout.
00:15:28 Il m'aurait pas fait mettre
00:15:33 Je suis une femme de 45 kg,
00:15:36 une petite femme,
00:15:38 tenant une sangle attachée à son cou.
00:15:41 Je le domine. Graner cherchait peut-être ça.
00:15:46 Comme témoignage ou pour s'amuser.
00:15:50 Je sais pas ce qu'il avait en tête.
00:15:54 Mais il l'a prise.
00:15:58 Dans ma carrière de flic,
00:15:59 plus de la moitié de mes affaires
00:16:04 parce que le criminel a fait une bêtise.
00:16:07 Prendre ces photos, c'était ça, la bêtise.
00:16:14 On m'a donné 12 CD. " Voilà des milliers
00:16:19 " Trouvez toutes celles d'éventuels sévices
00:16:23 " ou de personnes présentes
00:16:28 " Déterminez quand elles ont été prises."
00:16:33 Les photos étaient éloquentes,
00:16:35 mais sans date précise,
00:16:41 J'ai classé les photos en fonction du sujet,
00:16:45 par ordre chronologique,
00:16:49 Quand l'incident a commencé ?
00:16:52 Quand il s'est terminé ?
00:16:55 Combien de temps s'est écoulé
00:17:00 Le degré d'implication
00:17:07 Qui d'autre était dans la pièce ?
00:17:16 Pourquoi personne n'a rien remarqué ?
00:17:26 En considérant cette affaire
00:17:31 on s'égare.
00:17:33 Ces photos montrent en réalité
00:17:38 de possibles sévices
00:17:45 Ce qu'il faut, c'ést s'én tenir aux faits.
00:17:49 Emotion et politique
00:17:55 Quand j'étais au trou,
00:17:57 toutes les femmes étaient là
00:18:02 Pour différentes raisons,
00:18:07 Quand on entre dans l'armée,
00:18:09 quoi qu'on en dise...
00:18:15 c'ést un univers d'hommes.
00:18:18 On est soit l'égale,
00:18:25 Pour être leur égale, tu dois être forte.
00:18:29 Ils vont vouloir te contrôler.
00:18:31 Tu dois t'affirmer,
00:18:35 " Je me laisserai pas faire, tu m'aplatiras pas.
00:18:39 " C'ést pas parce que je suis une femme
00:18:44 Même si c'ést l'armée...
00:18:49 Sers-t'én !
00:18:55 Si j'avais réfléchi à ça, je l'aurais fait.
00:19:03 Mais j'étais aveuglée
00:19:17 Graner, il est charmant.
00:19:21 Quand on le connaît pas
00:19:25 on est attirés.
00:19:30 Dans une salle comble,
00:19:34 Il attire l'attention.
00:19:37 Si elle est pas sur lui, il la capte.
00:19:41 Il est comme ça. Il s'en délecte.
00:19:47 Si tu fais pas attention à lui,
00:19:49 il fait des commentaires sur toi et tout.
00:19:52 Ce que t'as envie d'éntendre, il le dit.
00:19:56 Et il s'y connaît.
00:19:58 J'avais 20 ans quand je l'ai rencontré.
00:20:00 Il en avait 34.
00:20:02 14 ans d'éxpérience de plus que moi.
00:20:06 Alors il savait quoi dire, quoi faire.
00:20:10 J'étais assez bête pour me faire avoir.
00:20:14 J'aurais dû écouter.
00:20:15 Ils disaient tous : " Il est trop vieux pour toi.
00:20:19 " C'est un voyou. "
00:20:21 Mais je les croyais pas,
00:20:25 parce que je le croyais lui,
00:20:27 pour une raison quelconque.
00:20:32 Je vois plus laquelle.
00:21:17 La population augmentait,
00:21:19 mais personne ne savait comment libérer
00:21:23 un individu connu pour être
00:21:26 " suspecté de terrorisme" ou " complice" .
00:21:29 Le général Wojdakowski m'a dit
00:21:34 que ça durerait quelques semaines
00:21:37 et qu'au final,
00:21:39 on aurait 1500, voire davantage,
00:21:42 détenus-clés sous notre responsabilité.
00:21:46 J'ai dit :
00:21:49 " On n'a pas de quoi subvenir aux besoins
00:21:52 " des 200 prisonniers
00:21:55 " Et vous allez nous en envoyer
00:21:59 " Quelles sont
00:22:02 Il a dit : " Vous ne libérez personne.
00:22:06 " Si un prisonnier est libéré
00:22:10 " vous aurez affaire à moi."
00:22:14 Ils sortaient en pleine nuit,
00:22:16 ramassaient tous les hommes
00:22:21 et les coffraient.
00:22:22 Ça explique ces histoires
00:22:28 tous coffrés. C'ést ce qu'ils faisaient.
00:22:31 Imagine, on vient dans ta ville
00:22:33 et on embarque tous les hommes.
00:22:36 Ils arrivent comme
00:22:40 Tu vas à la porte, t'éntends frapper...
00:22:45 V'là le 2,5 tonnes,
00:22:47 plein d'individus terrorisés
00:22:52 " On m'a arrêté en pleine nuit.
00:22:54 " M'sieur, j'ai fait quoi ?
00:22:58 Ils sont chauffeurs de taxi,
00:23:02 Les voilà à Abu Ghraib.
00:23:05 Quand on trouvait pas le chef
00:23:09 " Akbar, j'ai ton fils. Il est en prison.
00:23:13 " Rends-toi et on relâche ton fils."
00:23:17 J'appelle ça un kidnapping.
00:23:20 Ça se remplissait si vite
00:23:24 Ils restaient en cellule.
00:23:25 Ça fait de la peine
00:23:28 d'énfermer un enfant sans raison,
00:23:33 On essaie d'améliorer leur quotidien.
00:23:36 On leur donne les bonbons des rations
00:23:39 SABRINA HARMAN
00:23:41 pour qu'ils soient mieux.
00:23:43 Mais on peut pas faire grand-chose.
00:23:52 La lumière a sauté dans la prison.
00:23:55 On est dans le noir.
00:24:10 J'entends : " M'dame !"
00:24:12 Je descends et je braque ma lampe
00:24:15 sur un jeune de 16 ans, assis,
00:24:17 qui écrase des fourmis.
00:24:25 C'est des fourmis irakiennes. Enormes.
00:24:29 Ça porte ton chien
00:24:34 Toutes les fourmis de la prison
00:24:39 Je vaporise du désinfectant.
00:24:41 Elles me rient au nez et continuent.
00:24:45 Dans le noir, avec une petite lampe,
00:24:50 on écrase des fourmis avec nos chaussures.
00:24:53 " Histoire des fourmis... qui ont gagné."
00:25:00 Ma garde a commencé comme ça.
00:25:05 Les " chieurs" ont été déshabillés
00:25:11 Je me moque d'eux, leur jette du maïs.
00:25:15 J'ai de la peine pour eux,
00:25:18 même s'ils sont accusés
00:25:23 On les humilie, mais on ne les bat pas.
00:25:30 Ils dorment 1 heure, restent debout 1 heure,
00:25:33 redorment 1 heure.
00:25:36 On les emmerde comme ça
00:25:41 La plupart ont si peur
00:25:46 C'est triste.
00:25:53 Il faut que tu voies les photos.
00:25:56 Ils sont coiffés d'un sac
00:26:02 D'accord, c'est mal, mais ils ont des infos.
00:26:08 On essaie de les faire parler.
00:26:11 C'est tout.
00:26:22 Le mot qui me vient, c'est "surréaliste" .
00:26:25 Tout ce que vous avez vu,
00:26:30 Une bande de cons salement incompétents.
00:26:33 Mélangez tout ça,
00:26:35 touillez avec un gros bâton
00:26:37 et vous avez la merde
00:26:39 qu'on voit à la télé sur Abu Ghraib.
00:26:40 TIM DUGAN Interrogateur
00:26:42 C'ést dégueulasse.
00:26:44 Ça me fout les boules.
00:26:46 Pendant qu'on déconne
00:26:48 et qu'on fait pas le boulot,
00:26:54 Abu G. s'était pris un tir de mortier.
00:26:56 2 Américains avaient été tués et 16 blessés.
00:27:01 On est allés interroger le " Loup",
00:27:04 le chef du groupe
00:27:09 Il y avait 2 spécialistes :
00:27:14 Elles l'ont déshabillé.
00:27:16 Il était à poil.
00:27:18 On n'est pas censés faire ça.
00:27:30 A la fin de l'interrogatoire, je dis :
00:27:33 " C'ést quoi le plan du mec à poil ?"
00:27:36 Comment ils disaient, déjà ?
00:27:38 " Le rapport de l'Arabe aux femmes,
00:27:42 Pour casser ça, pour qu'il coopère
00:27:47 elles l'interrogent nu.
00:27:50 A mon retour, j'interroge le sergent.
00:27:53 Il fait : " On n'ést pas censés faire ça,
00:27:55 " mais on laisse les femmes le faire
00:27:58 " pour casser leurs préjugés culturels."
00:28:00 Moi : " Vous venez de dire
00:28:04 Lui : " Elles ont le droit, pas vous."
00:28:08 Moi : " Et je suis censé faire quoi ?"
00:28:11 Lui : " Si j'étais vous,
00:28:18 " ... tout doit être écrit sur le papier..."
00:28:22 Ils cherchaient pas à se cacher.
00:28:24 C'ést ça qui me sidère.
00:28:25 KEN DAVIS
00:28:26 Quand on sait
00:28:29 on le cache.
00:28:30 On fait en sorte que les autres
00:28:35 ne voient rien.
00:28:37 J'éntre. Il y a un type
00:28:40 en short noir, t-shirt et tongs.
00:28:45 Un autre en short et chemise.
00:28:48 Chacun a un prisonnier nu.
00:28:50 Quelqu'un dit :
00:28:53 Je fais : " Ok."
00:28:55 Comme ils sont pas en uniforme,
00:28:58 Ils tordent leurs bras menottés. Comme ça.
00:29:02 Et comme ça. Et ils les menottent ensemble.
00:29:07 Ils arrêtent pas de hurler : " Avoue !
00:29:10 " Dis ce que t'as fait ! Avoue !"
00:29:12 Puis ils les menottent
00:29:17 Là, je suis...
00:29:20 J'ai dû louper un truc.
00:29:22 Je finis par capter.
00:29:24 Ces types ont violé un ado dans la prison.
00:29:27 Zéro intérêt question renseignement.
00:29:31 Cruz hurle : " Déshabille-toi !"
00:29:33 Le type : " Non, Mister."
00:29:39 Ils jettent de l'eau,
00:29:46 en frottant les organes génitaux
00:29:51 Je dis : " Qu'est-ce qui se passe ici ?
00:29:58 " C'ést comme ça que vous interrogez ?"
00:30:00 Lui : " Il y a plein de façons d'interroger."
00:30:08 Alors je dis : " J'ai eu ma dose. " Et je sors.
00:30:13 Le lendemain matin, le lieutenant se pointe.
00:30:16 Je dis : " Le RM, sur le site en dur,
00:30:19 " il traite bizarrement des prisonniers nus."
00:30:22 Il me dit que j'ai rien à faire là-bas.
00:30:25 Il ajoute : " Laissez le RM faire son boulot."
00:30:40 A droite,
00:30:43 en short noir, c'ést Cruz.
00:30:46 Caporal Cruz
00:30:47 Juste à côté, moi.
00:30:49 Caporal Krol
00:30:50 A gauche, contre le mur, Graner.
00:30:53 Caporal Graner
00:30:54 On regarde les 2 détenus
00:30:57 menottés par terre.
00:31:02 On voit rien d'autre, en fait.
00:31:24 Le but, c'était pas un interrogatoire.
00:31:28 Les cris, c'était...
00:31:31 pour la frime, je crois.
00:31:34 Pour montrer aux spectateurs
00:31:36 ce qu'on ferait à ceux qui violent les règles.
00:31:50 Abu Ghraib était régulièrement bombardé.
00:31:53 Des gens y mouraient.
00:31:55 ROMAN KROL
00:31:57 J'étais dans un état de grande frustration.
00:32:00 Quand j'ai su que des détenus
00:32:05 j'ai pété les plombs.
00:32:09 J'étais tellement à cran
00:32:12 je les ai aspergés,
00:32:14 pour exprimer ma haine.
00:32:19 Quelqu'un a apporté un ballon en mousse.
00:32:22 On se faisait des passes.
00:32:27 Là, je vais le ramasser.
00:32:34 Je l'ai lancé et j'en ai touché un à la jambe.
00:32:37 Un ballon en mousse, ça fait pas mal.
00:32:47 Graner m'a dit de prendre des photos.
00:32:49 Il m'a pas dit quoi prendre
00:32:54 Je me balade...
00:32:58 Si j'én prenais une...
00:33:01 Le RM est arrivé et s'én est mêlé.
00:33:04 Eux aussi, ils voulaient les asticoter.
00:33:06 Ça leur plaisait pas
00:33:10 Ils les bousculent,
00:33:14 ramper, se jeter contre le mur,
00:33:19 Et ils les menottent ensemble.
00:33:24 Caporal Graner
00:33:25 C'est Graner, les mains sur les hanches,
00:33:30 Les deux à l'arrière-plan,
00:33:32 Caporal Krol
00:33:33 c'est les types du RM.
00:33:35 Ils voulaient pas être sur les photos.
00:33:37 Ils étaient furax.
00:33:38 Je dis : " J'y suis pour rien, moi.
00:33:43 " Je prends juste des photos."
00:33:49 Je ferai aucun commentaire sur les photos.
00:33:52 J'avais pas remarqué qu'ils en prenaient.
00:33:56 Même si je suis sur quelques-unes,
00:33:59 j'ai pas vu de flash, rien.
00:34:01 Si j'avais remarqué, j'aurais dit un truc.
00:34:05 Y a une pancarte : " Pas de photos."
00:34:09 Et puis...
00:34:11 photographier ça, c'ést stupide.
00:34:16 J'ai été condamné : 10 mois de prison,
00:34:20 rétrogradation au grade E-1
00:34:23 et renvoi pour mauvaise conduite.
00:34:26 J'ai été
00:34:28 plus humilié que puni par cette sentence.
00:34:33 8 mois de prison pour avoir jeté de l'éau
00:34:35 et balancé un ballon en mousse,
00:34:37 c'ést humiliant.
00:34:40 Ça fait rire les gens.
00:34:52 Quand je rentre chez moi, dans ma cellule,
00:34:55 un des traducs m'attend, assis dehors.
00:35:00 Il me dit :
00:35:01 " M. Dugan, j'ai vraiment les boules !
00:35:04 " Le général interrogé
00:35:08 Moi : " Super !"
00:35:09 Lui : " L'interrogateur
00:35:13 C'est le vice-président d'Irak,
00:35:16 10 fois, le général a dit :
00:35:21 Et il a pas posé la question.
00:35:29 Il était devant sa cellule, au garde-à-vous.
00:35:34 Il était pas menotté ni rien.
00:35:38 On aurait dit un grand-père.
00:35:41 Très respectueux.
00:35:46 Ils lui avaient rasé les sourcils
00:35:49 et il avait les boules.
00:35:52 Je lui ai dit de pas s'en faire,
00:35:57 J'avais de la peine pour lui.
00:36:03 4 jours après, on va l'interroger.
00:36:05 Le gosse de l'armée retire le sac.
00:36:08 Le mec ressemble à Yoda.
00:36:10 Plus de sourcils, plus de cheveux.
00:36:12 Moi : " C'ést quoi, ce bordel ?"
00:36:14 Lui : " Putain, c'ést le général."
00:36:17 Moi : " Mon cul !" Je crois qu'il plaisante.
00:36:19 " Arrêtez vos conneries.
00:36:21 " Je veux l'interroger et savoir où est Izzat."
00:36:24 Lui : " C'ést le général, je déconne pas."
00:36:28 On n'én a rien tiré.
00:36:30 Le général a rien lâché.
00:36:32 Il avait décidé de ne plus coopérer.
00:36:38 On a été promus : de baby-sitters
00:36:42 à préparateurs.
00:36:44 On nous a impliqués dans le projet.
00:36:47 Ceux du RM se pointaient
00:36:49 et disaient : " Mets la musique fort.
00:36:52 " S'il le faut, colle le mégaphone à la porte.
00:36:55 " Monte le son à fond, qu'il puisse pas prier,
00:36:58 " qu'il puisse pas dormir.
00:37:01 " Déstabilise-le à mort."
00:37:03 Je passais la chanson
00:37:10 Ça donnait ça.
00:37:12 Les Irakiens faisaient...
00:37:16 Ça marche pas.
00:37:18 Alors j'ai changé,
00:37:24 Enter the Sandman, du très gros son.
00:37:27 Ils criaient : " Pas ça !"
00:37:31 ça les laissait de marbre.
00:37:36 et ils arrivaient à dormir.
00:37:39 Va savoir...
00:37:40 J'ai mis de la country.
00:37:42 Ça a marché. Ils supportaient pas.
00:37:44 Ils faisaient : " Mon Dieu, Allah !
00:37:47 " Arrêtez ça !"
00:37:48 Quand les interrogateurs
00:37:52 ils avaient hâte de partir.
00:37:54 " Pitié, emmenez-moi."
00:37:57 Parfois le RM arrivait.
00:37:58 " On interroge ce type aujourd'hui.
00:38:01 " Sortez-le et... ramollissez-le un peu."
00:38:05 On hurle, on lui fait faire de la gym.
00:38:07 On le menotte dans une position bizarre.
00:38:10 On le fait déshabiller par une femme,
00:38:13 parce que ça le gêne,
00:38:18 On les tuait pas.
00:38:20 On les décapitait pas.
00:38:23 On leur tirait pas dessus.
00:38:25 On les saignait pas à mort.
00:38:30 On obéissait : on les ramollissait
00:38:33 On pouvait tout faire sauf les tuer.
00:38:35 Les mettre dans des positions bizarres,
00:38:39 pendant des heures, pour les stresser,
00:38:42 leur mettre la pression.
00:38:44 Les faire monter
00:38:47 Les asperger d'éau froide.
00:38:50 Se moquer de lui quand il se douche nu.
00:38:54 Le doucher tout habillé.
00:38:56 Lacérer ses vêtements à coups de couteau.
00:39:00 Le brûler avec une cigarette.
00:39:03 On fait ce qu'ils nous demandent.
00:39:06 Il faut lui faire faire de la gym,
00:39:08 on le fait.
00:39:10 Le maintenir éveillé, on le fait.
00:39:13 Ils disent : " Il doit rester éveillé."
00:39:16 " Il est sale, je veux beaucoup de douches."
00:39:20 Ça ne semblait pas bizarre ?
00:39:22 Pas si l'on tient compte du fait
00:39:28 que ça aide à sauver des vies.
00:39:33 de missions à l'éxtérieur
00:39:37 et qu'il faut trouver les coupables
00:39:42 Et c'ést vos camarades de combat.
00:40:45 C'était Gilligan,
00:40:47 sur le carton, avec les fils électriques.
00:40:50 Il était accusé d'avoir tué 2 agents du CID.
00:41:10 Il devait soulever le carton, monter dessus.
00:41:15 Il faisait froid, alors il avait une couverture.
00:41:20 Personne l'a jamais touché,
00:41:24 Il était juste très fatigué.
00:41:33 Il nous donnait des noms différents,
00:41:35 alors Graner l'avait surnommé Gilligan.
00:41:47 A mon arrivée, il était dans la douche.
00:41:50 Il avait des fils aux doigts
00:41:52 et croyait être électrocuté s'il tombait.
00:41:58 Il y avait pas d'électricité dans les fils.
00:42:01 Quand on dit :
00:42:05 ça te maintient éveillé.
00:42:08 Ça faisait partie du plan sommeil.
00:42:13 Le maintenir éveillé.
00:42:18 Ça aurait été plus méchant
00:42:21 s'il avait risqué d'être électrocuté.
00:42:26 C'étaient que des mots.
00:42:35 Les fils ont été retirés après les photos.
00:42:51 Là, on voit le sergent Frederick.
00:42:54 C'est celle que j'ai prise.
00:42:57 Celle qui est prise
00:43:01 c'est aussi moi.
00:43:19 Comme il travaillait pour nous,
00:43:23 Il était...
00:43:24 Un type marrant.
00:43:26 Mais je crois qu'il a été innocenté.
00:43:30 On lui donnait un repas en rab
00:43:35 Il avait 25 ans. 24 ou 25.
00:43:39 Jeune. Un brave type.
00:43:50 Tous les clichés
00:43:53 entre deux heures et un an.
00:43:56 BRENT PACK - Agent Spécial de l'Armée
00:43:58 A chaque copie d'un ordinateur à l'autre,
00:44:02 la date variait en fonction de l'ordinateur.
00:44:08 Mais les métadonnées restaient inchangées.
00:44:14 " Métadonnées", un mot zarbi :
00:44:21 Les fichiers photos contiennent des infos :
00:44:26 date de création du fichier,
00:44:29 logiciel utilisé,
00:44:31 paramètres d'exposition,
00:44:34 date à laquelle l'appareil
00:44:40 J'étais ravi
00:44:48 Les 3 principaux appareils
00:44:53 Celui de Graner, le Sony FD Mavica,
00:44:59 Le Sony Cybershot appartenait à Harman.
00:45:06 Et le Deluxe Classic Cam
00:45:18 J'ai noté qu'ils photographiaient
00:45:22 quasiment au même instant.
00:45:25 En tout, j'ai trouvé 8 incidents
00:45:30 " Il était telle heure pour cet appareil,
00:45:34 Au final, toutes les photos
00:45:43 Ils tenaient un registre
00:45:49 Ça a confirmé l'exactitude de la chronologie.
00:45:56 L'appareil de Sabrina Harman
00:45:59 J'ai dû l'avancer de 9 mois,
00:46:06 Ceux de Frederick et de Graner
00:46:35 Personne n'obtenait de renseignements.
00:46:39 La plupart des interrogateurs
00:46:43 Si l'on y réfléchit...
00:46:46 tu as un type entre 45 et 65 ans,
00:46:50 un général à 1, 2, 3 ou 4 étoiles,
00:46:53 Tu as 18 ans, tu sors du lycée, tu t'éngages,
00:46:57 on t'initie aux interrogatoires.
00:46:59 Tu demandes quoi au général
00:47:04 tout fait et tout vu ?
00:47:07 Ces gamins sont intimidés.
00:47:09 Les généraux, les colonels,
00:47:12 Ils se paient leur tête.
00:47:18 Je cuisine le type, j'en tire que dalle.
00:47:22 Son frère a été capturé avec lui.
00:47:25 Je décide d'aller voir
00:47:31 Il y a 6 box d'interrogatoires
00:47:35 pour pouvoir observer l'interrogatoire.
00:47:40 Un homme et une femme de l'armée
00:47:45 au lieu de questionner le détenu.
00:47:48 Le type drague et la fille dit pas non,
00:47:51 alors qu'ils sont censés interroger ce con.
00:47:57 Je dis : " On intervertit les rôles. "
00:48:02 Le détenu se retrouve dans mon box
00:48:06 et je dis : " Ça fait 2 heures que je suis là.
00:48:09 " 2 jours, vu que j'étais
00:48:13 " à t'observer.
00:48:15 " Je sais que tu sais des trucs.
00:48:17 " Tu racontes des conneries
00:48:20 " Avec moi, ça prend pas, tes conneries.
00:48:23 " Il me faut 3 minutes 47
00:48:27 " Je sors, je la fume et quand je reviens,
00:48:31 " tu craches tout ce que je veux savoir.
00:48:35 Je dis : " J'ai l'air d'un troufion ?"
00:48:47 Et là, j'explose la table avec le poing
00:48:50 et je sors fumer ma clope.
00:48:55 Au bout d'une minute et demie,
00:48:59 Mon interprète se pointe.
00:49:01 " Il se chie dessus.
00:49:05 " Il te dira tout ce que tu veux."
00:49:07 J'y retourne, très calme, je m'assois
00:49:11 et je dis : " Alors, t'as décidé quoi ?"
00:49:18 Maison d'Observation (200)
00:49:19 Prison de Badush (1900)
00:49:22 Mes prisons étaient disséminées partout,
00:49:26 alors je faisais pas mal de route.
00:49:32 Un jour, j'arrive à Abu Ghraib,
00:49:35 " On a un interrogatoire en cours.
00:49:38 " Vous voulez venir voir ?"
00:49:41 Il me conduit dans le couloir et j'observe.
00:49:44 Tout semblait parfaitement normal.
00:49:47 Je me suis souvent demandée
00:49:50 s'ils ne faisaient pas ça
00:49:54 " J'ai vu un interrogatoire,
00:50:00 C'ést drôle, quand le général Karpinski
00:50:04 ou un gros bonnet
00:50:07 venaient visiter la prison,
00:50:11 on sortait le grand jeu.
00:50:14 On leur rendait leurs matelas.
00:50:17 On leur rendait leurs vêtements.
00:50:19 Et dès que ces gens partaient,
00:50:22 ceux qui étaient privés de trucs
00:50:27 Ça semblait normal
00:50:29 de les priver d'un truc s'ils coopéraient pas.
00:50:37 CIA,
00:50:39 Groupe d'Etudes sur l'Irak,
00:50:41 DIA,
00:50:42 FBI,
00:50:44 Task Force 121.
00:50:46 Les autres agences gouvernementales,
00:50:50 Ils avaient aucune règle.
00:50:52 On les appelait les " fantômes",
00:50:56 On enregistrait jamais leurs prisonniers.
00:51:00 " Ça va, soldat ? Ce mec, l'énregistre pas.
00:51:05 " Il est pas là, il est pas venu.
00:51:08 " Mets-le dans une cellule et marque rien.
00:51:11 " Quand la Croix-Rouge vient,
00:51:15 " Quand la Croix-Rouge va ailleurs,
00:51:18 " Il existe pas ici."
00:51:21 Je suis souvent sur la route.
00:51:24 " Soldats, faites ça."
00:51:25 " Bien reçu, sergent. A plus. C'ést fait."
00:51:29 Mais là, on participe
00:51:33 On récupère les mecs
00:51:37 Ils sont pour nous.
00:51:40 On a une mission.
00:51:43 On va garder ces mecs ?
00:51:46 Et là, les choses ont changé.
00:52:06 Ils les emmènent dans la douche,
00:52:09 fixent un drap à la porte,
00:52:11 les collent sous la pomme de douche
00:52:15 ou dans le seau d'ordures avec de la glace.
00:52:19 Et c'est parti.
00:52:31 Un sac en toile sur la tête,
00:52:33 mouillé, qui colle au nez et à la bouche.
00:52:39 Ils ont l'impression de se noyer.
00:52:42 Ils ouvrent la fenêtre, il fait 40 dehors,
00:52:44 et ils les regardent craquer.
00:52:51 Pendant des heures, tout ce qu'on entend,
00:52:55 c'ést des cris, des chocs.
00:52:57 8 ou 10 heures plus tard, ils sortent le mec.
00:53:02 Il est à moitié cohérent ou inconscient.
00:53:07 Ils le remettent en cellule.
00:53:11 Je connais le bruit des claques
00:53:16 Je connais la différence
00:53:20 et cris de douleur.
00:53:22 Ça, je connais.
00:53:27 " Ne pas utiliser la douche
00:53:30 C'était tôt le matin.
00:53:32 Autour de 4 h 30. Tout était silencieux.
00:53:37 Les OGA ont dit :
00:53:41 Il portait juste une chemise.
00:53:45 Il est arrivé entravé,
00:53:48 menotté et tout, avec une cagoule.
00:53:51 ANTHONY DIAZ
00:53:52 On n'a demandé à personne
00:53:54 qui c'était, ce qu'il avait fait.
00:53:57 Ça nous regardait pas.
00:54:02 2 soldats l'ont emmené direct à la douche
00:54:06 où un type d'une OGA l'a interrogé.
00:54:12 Il y est resté un bon moment,
00:54:20 Tout à coup, le type de l'OGA
00:54:24 " Vous pouvez m'aider ?
00:54:26 " Attachez-le un peu plus haut,
00:54:33 Il s'affaissait.
00:54:37 Il y avait des types de la CIA.
00:54:39 Enfin, je crois. Oui, c'ést ça.
00:54:42 Mais à ce moment-là,
00:54:47 Ils disent de le menotter à la fenêtre
00:54:51 parce qu'il fait le mort.
00:54:53 Je le tiens par la combinaison.
00:54:55 Je le prends pas sous les bras ni rien.
00:54:59 Sa combinaison lui rentre
00:55:02 JEFFREY FROST
00:55:04 et je fais remarquer :
00:55:06 " Ce mec fait vachement bien le mort.
00:55:08 " Moi, je gueulerais
00:55:11 " avec ce truc
00:55:16 Ils se sont tous marrés et personne a réagi.
00:55:19 Je revois ses bras s'étirer démesurément
00:55:23 et sa position franchement bizarre.
00:55:26 Alors, je redis :
00:55:30 " Ce mec est super bon,
00:55:35 " Ça m'étonne qu'ils tiennent.
00:55:39 Tout à coup, du sang lui sort
00:55:45 On comprend qu'il y a un truc qui cloche.
00:55:49 Et là, je retire la cagoule.
00:55:52 C'ést la 1 re fois que je vois son visage.
00:55:57 Je suis surpris, il est complètement amoché.
00:56:00 Deux énormes cocards,
00:56:03 des bleus partout.
00:56:05 Je fais : " Il lui est arrivé quoi ?"
00:56:09 Il a un œil ouvert.
00:56:12 Alors je fais comme dans Mash,
00:56:15 pour qu'il bouge les yeux.
00:56:18 Rien. Il fixe le sol, comme ça.
00:56:21 Et je dis : " Ce mec...
00:56:24 " Ce mec est même pas vivant."
00:56:35 Tout le temps qu'on l'a bousculé,
00:56:41 tout ce temps-là, le type était mort.
00:56:49 J'avais même du sang sur mon uniforme,
00:56:53 parce qu'il gouttait.
00:56:57 Je suis mal, parce que je sais
00:57:03 Mais en étant là, on a l'impression
00:57:10 Le colonel Jordan,
00:57:15 Les toubibs arrivent,
00:57:19 Le capitaine Brinson, le sergent Snider,
00:57:23 Toute la chaîne de commandement
00:57:29 On l'éxamine,
00:57:38 Moi, je sors de la pièce. Je la joue...
00:57:42 Genre il s'ést rien passé.
00:57:44 Et je demande à un des agents de la CIA :
00:57:48 " Normalement vous faites quoi
00:57:52 Ils ont pas l'air vraiment paniqués,
00:57:56 mais ils sont suspendus à leur téléphone
00:58:00 pour savoir quoi faire ou ne pas faire.
00:58:06 Que faire de lui ?
00:58:08 Le sortir dans un sac à cadavres,
00:58:14 Il faut le garder pour la nuit.
00:58:17 On prend un sac à cadavres.
00:58:20 On prend de la glace.
00:58:23 On le réfrigère.
00:58:25 On le laisse dans la pièce.
00:58:28 Et puis on ferme la porte à clé.
00:58:51 Je me revois disant au sous-off :
00:58:53 " Prenez le double de la clé et gardez-le,
00:58:56 " sinon quelqu'un va entrer
00:58:59 On aurait dû prendre les 2 clés
00:59:04 Mais il devait en laisser une,
00:59:07 au cas où ils voudraient
00:59:12 C'était motus et bouche cousue.
00:59:15 Il fallait pas que ça s'ébruite.
00:59:24 C'était la folie, hier.
00:59:26 Le type qu'ils ont amené est mort.
00:59:29 Il était bien amoché.
00:59:32 Je sais pas ce qui s'est passé.
00:59:34 C'était l'équipe avant nous.
00:59:38 Ils l'ont collé
00:59:42 dans un sac, sur de la glace.
00:59:47 Putain, ça craint !
00:59:54 Ça fait 24 heures qu'il dégivre.
01:00:00 Le capitaine Brinson nous a réunis
01:00:04 Il a dit qu'un prisonnier
01:00:08 d'une crise cardiaque.
01:00:19 Le sergent Frederick a pris la clé
01:00:32 Il commençait à fondre et à sentir.
01:00:38 Il était resté là au moins 24 heures
01:00:43 Ça faisait donc un bout de temps.
01:01:12 Il avait des bleus aux genoux
01:01:17 Des marques d'entraves aux poignets.
01:01:23 C'était clair, quand on regardait bien,
01:01:25 qu'il était pas mort d'une crise cardiaque.
01:01:49 Vous avez eu des ennuis à cause du pouce.
01:01:53 Je comprends. Ça la fout mal.
01:01:56 Mais sur les photos,
01:02:01 Quelle que soit la photo, je lève le pouce.
01:02:06 Ça me vient automatiquement.
01:02:09 De même que sur une photo, on sourit.
01:02:13 J'ai fait ça comme ça.
01:02:22 C'était un détenu fantôme, pas censé être là.
01:02:26 La Croix-Rouge devait pas le voir,
01:02:29 alors il fallait réagir.
01:02:30 Quelqu'un a eu l'idée de le sortir du sac,
01:02:36 de le mettre en combinaison orange
01:02:40 de coller une perf dans son bras mort
01:02:44 et de le sortir des locaux.
01:02:48 Après, on n'en a plus entendu parler.
01:02:50 C'était...
01:02:52 Il est mort, on le met dans un sac,
01:02:56 Allez, retournez au boulot.
01:02:59 Disparu. Volatilisé.
01:03:04 Ils m'ont inculpée
01:03:08 Ça, je comprends pas.
01:03:09 Et de maltraitance,
01:03:14 On peut maltraiter un mort ?
01:03:16 De dissimulation de preuves
01:03:18 pour avoir ôté le pansement de son œil
01:03:23 et l'avoir remis en place.
01:03:25 Ils avaient nettoyé le corps
01:03:28 La dissimulation de preuves, c'étaient eux.
01:03:32 Pour étayer les autres charges,
01:03:36 Mais les OGA voulaient pas
01:03:40 Avoir dissimulé un meurtre,
01:03:44 Ils ont donc renoncé aux charges
01:04:03 " Mutinerie..."
01:04:08 Au camp Ganci,
01:04:11 Une femme de la PM
01:04:13 a pris un parpaing dans la figure.
01:04:16 Ils comptaient s'évader du camp de tentes
01:04:20 avec des PM en otages.
01:04:22 On les a couchés par terre dans le couloir.
01:04:25 Et là, j'éntre en jeu.
01:04:27 Je ne céderai pas à la peur
01:04:32 Déjà qu'on veut me buter, dehors.
01:04:35 Ça suffit, il faut leur filer une leçon.
01:04:38 Alors j'ai pété un câble.
01:04:41 Je balance les mecs par terre,
01:04:44 Comme les catcheurs,
01:04:48 On peut plus m'arrêter, j'ai la haine.
01:04:51 " T'as blessé un de nos soldats. Ras le bol !"
01:04:54 Je lui marche sur le doigt,
01:04:58 Je veux faire mal au monsieur
01:05:03 Lui faire super mal.
01:05:06 J'étais affecté au garage, en journée.
01:05:11 Passer la nuit là,
01:05:16 L'informatique ramait.
01:05:17 J'attendais des e-mails.
01:05:20 JEREMY SIVITS
01:05:21 Le sergent Frederick entre
01:05:23 avec des papiers à imprimer.
01:05:24 On bavarde.
01:05:26 Il apprend par radio
01:05:30 Il dit : " Accompagne-moi
01:05:34 Je le suis. Les 7 individus sont là.
01:05:36 Je dis : " Freddy...
01:05:38 " J'én prends un
01:05:42 Lui : " Vas-y."
01:05:44 En arrivant à l'Aile 1 Alpha,
01:05:48 Je dis : " Je vous le mets où ?"
01:05:50 Eux : " Mets-le par terre."
01:05:52 Je le pousse par terre à côté des autres.
01:05:58 Et là, ça commence, le plan photos.
01:06:01 Javal piétine des doigts et des orteils.
01:06:06 Lynndie aussi.
01:06:08 Et ça commence, les photos.
01:06:10 Graner me dit
01:06:15 dans laquelle il enlace la tête d'un détenu
01:06:20 et fait mine de le frapper.
01:06:27 Il l'a pas frappé.
01:06:29 Dès que j'ai eu pris la photo,
01:06:37 Et puis ils se mettent
01:06:42 et à prendre d'autres photos.
01:06:46 Graner s'approche d'un détenu,
01:06:49 Pourquoi, je sais pas.
01:06:52 Il frappe violemment le détenu.
01:06:57 Ensuite, Sabrina passe en revue
01:07:02 et dit : " Ce type est ici pour viol."
01:07:06 Alors Graner déchire
01:07:11 Sabrina écrit sur lui : " Je suis un viauleur. "
01:07:14 VIAULEUR
01:07:17 Depuis 2 ou 3 minutes,
01:07:21 Je le regarde et je dis :
01:07:23 " Graner... Il a un truc qui va pas, ce mec."
01:07:27 Je m'approche
01:07:32 Le type est inconscient. Je dis :
01:07:36 " Graner, tu l'as mis K.O."
01:07:39 Après l'avoir frappé,
01:07:43 " Aïe ! Merde, ça fait mal."
01:07:49 Et ça n'avait pas eu l'air de l'inquiéter.
01:07:52 Je retourne à côté de Freddy.
01:07:56 Freddy se tourne vers moi : " Regarde ça."
01:08:01 Il s'avance, chope le type que j'ai amené,
01:08:06 le soulève, trace un " X" sur sa poitrine
01:08:10 et le frappe en pleine poitrine.
01:08:14 Je fais : " Quoi ?
01:08:19 " Où est passé mon Freddy ?"
01:08:26 Et puis ils passent au plan
01:08:31 avec un autre détenu dessus.
01:08:39 Comme menottes ils ont des liens souples.
01:08:45 Je dis à Graner : " Il perdra ses mains,
01:08:49 " Elles sont violettes. "
01:08:51 Je dis : " J'ai mon Gerber.
01:08:53 " Je peux les sectionner,
01:08:58 Ça a pris du temps, mais j'ai réussi
01:09:01 et le sang est revenu dans ses mains.
01:09:04 Je crois bien qu'il a gardé ses mains.
01:09:08 Ensuite, Graner et Freddy
01:09:13 Graner me dit
01:09:19 C'ést pour ça qu'il le fait.
01:09:21 Quand je m'én vais,
01:09:25 Moi, je suis du genre à essayer
01:09:31 Je dis : " Voir quoi ? J'ai rien vu."
01:09:37 Le CID a pas arrêté de me demander :
01:09:41 " Pourquoi vous l'avez pas signalé ?
01:09:45 " Vous trouviez pas ça immoral ?"
01:09:46 J'ai dit : " Si, mais à la guerre,
01:09:52 On nous disait :
01:09:56 On me dit d'én prendre.
01:10:00 J'éssaie de me mettre personne à dos.
01:10:03 Je suis comme ça.
01:10:07 Mais...
01:10:10 être sympa, c'ést pas toujours payant.
01:10:15 On me demande parfois
01:10:20 Je dis : " Mets-toi à ma place.
01:10:22 " Vis ce que j'ai vécu ces 3 années.
01:10:26 " On verra si tu seras sympa."
01:10:31 Sivits est resté pendant peut-être 5 minutes.
01:10:37 Il a fait de mal à personne.
01:10:47 Il a pris un an de prison pour rien.
01:10:55 Il aurait rien dû prendre.
01:10:58 On l'aurait pas inculpé
01:11:06 Qui filmait ?
01:11:07 Moi.
01:11:12 Dernier truc que je me rappelle :
01:11:16 Un des deux a la main sur la tête de l'autre.
01:11:21 C'ést la dernière photo que j'ai prise.
01:11:25 Ensuite, on est partis téléphoner.
01:11:29 C'était l'anniversaire de Kelly,
01:11:37 Moi et Megan,
01:11:41 Quand on est sorties, ils les empilaient
01:11:47 et prenaient des photos d'en haut.
01:11:51 Graner, Davis et Frederick
01:11:56 Je suis descendue avec un appareil photo.
01:11:59 Graner voulait des photos prises d'en bas.
01:12:05 Moi, Freddy et Sabrina, on photographiait
01:12:08 avec 3 appareils différents.
01:12:20 Ils étaient alignés contre le mur
01:12:28 On savait pas ce qu'il faisait.
01:12:32 Personne savait, il disait rien.
01:12:35 Puis il nous a dit qu'il faisait une pyramide.
01:12:41 On a dit : " Ok, pourquoi ?"
01:12:43 Lui : " Pour les contrôler.
01:12:49 On a dit : " Ok. "
01:13:53 C'ést Freddy qui a commencé
01:13:59 Je sais pas pourquoi.
01:14:00 Il a commencé avec un
01:14:05 Je sais pas.
01:14:07 Il les a tous obligés à le faire.
01:14:18 A un moment, 6 types ont arrêté
01:14:22 et un seul a continué
01:14:24 pendant 45 minutes.
01:14:28 Sans déconner.
01:14:32 Celui qui continuait,
01:14:36 Il voulait que j'y sois et moi, je disais non.
01:14:40 Qui voulait ?
01:14:43 Freddy.
01:14:44 Et puis Graner.
01:14:46 Graner disait : " Allez !"
01:14:49 " Fais-le pour moi."
01:15:01 C'était votre anniversaire ?
01:15:05 Ils les ont amenés après minuit. Alors, oui.
01:15:14 Quel âge ?
01:15:16 21 ans.
01:15:20 J'avais entendu Graner dire :
01:15:27 Je sais pas pourquoi il a dit ça.
01:15:33 Il s'ést servi de moi.
01:15:35 Et si j'étais assez bête pour me faire avoir,
01:15:38 maintenant, je serai vigilante.
01:15:42 Et je ne le branche plus.
01:15:52 C'est le fameux empilement
01:15:59 L'expression des visages affiche
01:16:01 ce qu'ils pensaient et ressentaient
01:16:05 A en juger par leur regard,
01:16:09 Cette image a scellé leur sort.
01:16:13 Pratiquement tous les participants
01:16:20 Là, on voit Graner
01:16:24 2 appareils l'ont pris simultanément
01:16:31 Là aussi on voit les 7 hommes empilés nus,
01:16:35 une capuche sur la tête.
01:16:40 On voit les 2 appareils photo
01:16:51 Passe encore
01:16:56 mais si vous êtes sur les photos,
01:17:01 Très mal.
01:17:02 Obliger notre président
01:17:10 J'ai pas dormi de la nuit.
01:17:14 6 prisonniers se sont évadés
01:17:17 Ça fait 8 en 3 nuits.
01:17:19 Ça va mal tourner.
01:17:22 J'espère me tromper.
01:17:24 En tout cas, sache que je t'aime.
01:17:29 Il risque d'y avoir une enquête.
01:17:31 C'est le bruit qui court.
01:17:37 Oui, ils frappent les prisonniers.
01:17:40 Je n'ai jamais trouvé ça bien.
01:17:43 D'où mes photos...
01:17:46 pour prouver ce que je dis.
01:17:51 Personne ne croirait à ce merdier.
01:17:54 Personne.
01:17:57 Pour continuer à photographier ces faits,
01:18:00 je fais semblant de sourire.
01:18:05 J'espère ne pas payer
01:18:14 Je t'aime. Sabrina.
01:18:21 D'un coup, ça saute aux yeux
01:18:25 Bien sûr, on le sait depuis le début,
01:18:30 Rien ne...
01:18:34 " Sans moi. Je refuse de faire ça."
01:18:37 De toute façon, on est baisés.
01:19:18 Un gardien irakien avait fait entrer
01:19:24 et une baïonnette flambant neuve.
01:19:26 Il avait emballé ça dans un drap
01:19:30 et l'avait introduit au moyen d'une corde.
01:19:33 Le détenu a sorti un 9mm
01:19:42 et atteint le sergent Cathcart au gilet.
01:19:58 Elliot a braqué son arme dans la cellule
01:20:03 Il l'a juste touché à la jambe,
01:20:05 parce qu'il priait dans un coin : "Allah... "
01:20:08 Il était prêt à mourir.
01:20:36 Les gardiens irakiens impliqués
01:20:40 Certains ont été virés,
01:20:42 mais les Irakiens les ont réembauchés.
01:20:46 Tu risques ta vie
01:20:51 mais aussi
01:20:58 Et des détenus.
01:20:59 Strike 1, 2 et 3. Un seul et t'és éliminé.
01:21:03 Ils étaient pas tous mauvais,
01:21:09 Celui qui a introduit le pistolet,
01:21:12 un bon gardien.
01:21:14 Mais c'était un Fedayin.
01:21:20 Ils se sont rués sur le type
01:21:29 Mais on voit pas, sur la photo,
01:21:32 que ça s'ést passé comme ça.
01:21:52 L'imagination s'emballe
01:22:00 Les photos montrent
01:22:04 On ne voit ni après ni avant.
01:22:06 On ne voit pas le hors-cadre.
01:22:33 1re fois que je vois ici les chiens de la PM.
01:22:37 2 chiens et leurs maîtres
01:22:45 Le type est mort de peur.
01:22:48 Les chiens se rapprochent.
01:22:51 L'Irakien hurle et court vers Graner.
01:22:54 Un des maîtres laisse son chien
01:22:58 lui mordre la jambe.
01:23:00 Le type est hystérique.
01:23:02 Le chien mord à nouveau.
01:23:04 Il y a du sang partout.
01:23:06 Une morsure comme ça.
01:23:09 Un des toubibs m'a appris
01:23:14 C'était marrant,
01:23:16 mais j'avais mal pour ce mec.
01:23:22 Les chiens avaient rien à faire ici.
01:23:48 Un interrogateur, à la fin de ses rapports,
01:23:51 évalue la véracité et la fiabilité
01:23:56 C'ést le dernier paragraphe
01:23:59 Si j'obtiens des informations par la torture,
01:24:03 je peux rien vérifier parce que
01:24:09 pour que la douleur cesse.
01:24:11 Mais si je vous file une carotte
01:24:18 les infos sont en général véridiques.
01:24:22 Le général Sanchez avait pour habitude
01:24:25 de pointer le doigt sur le colonel Pappas.
01:24:28 Il le lui enfonçait dans la poitrine en disant :
01:24:32 " Je veux Saddam. Trouvez Saddam !
01:24:36 " C'ést compris ?
01:24:37 " Trouvez Saddam à n'importe quel prix."
01:24:42 Enfoncez régulièrement le doigt
01:24:46 il fera le nécessaire pour que vous arrêtiez.
01:24:51 C'ést une spirale infernale.
01:24:53 " Ça marche pas, essaie ça.
01:24:56 " Ça a marché à Guantanamo.
01:24:58 " Ça a marché à Bagram.
01:25:00 " Essaie ça.
01:25:02 " C'ést bon."
01:25:05 Ça n'arrête pas les tirs de mortier,
01:25:07 ça ne fournit pas les informations voulues
01:25:10 et ça ne trouve pas Saddam.
01:25:14 Ce ne sont pas les informations
01:25:20 mais les soldats sur le terrain
01:25:26 Vous savez la meilleure ?
01:25:27 La ferme où Saddam se cachait,
01:25:30 une minuscule ferme près du Tigre...
01:25:32 Saddam frappe à la porte
01:25:35 et il dit :
01:25:37 " Je suis Saddam Hussein,
01:25:40 " chef de l'Irak.
01:25:44 " Tous les foyers d'Irak sont mon foyer."
01:25:47 Et il va dans la cuisine,
01:25:53 il mange l'œuf et il s'en va.
01:25:57 Il revient 4 heures plus tard et il dit :
01:26:01 " Je reste ici. "
01:26:06 Et la femme du keum a flippé.
01:26:20 Saddam a été capturé le 13,
01:26:25 Le lundi, je suis convoqué
01:26:29 Il nous propose une mission spéciale.
01:26:33 Il vient d'avoir Rumsfeld au téléphone.
01:26:37 Rumsfeld et Sanchez autorisent toutes
01:26:44 Selon eux, on peut briser l'insurrection
01:26:49 A ce moment-là, j'y croyais.
01:27:09 Il faut analyser ce que montrent les photos.
01:27:14 C'était important de séparer
01:27:19 et les actes non criminels.
01:27:22 C'ést là-dessus que l'accusation
01:27:31 Si quelqu'un a été blessé,
01:27:35 ACTE CRIMINEL
01:27:42 Imposer une position
01:27:50 Contraindre à un auto-abus sexuel :
01:27:58 Regarder quelqu'un
01:28:01 et le prendre en photo,
01:28:04 c'est un manquement au devoir :
01:28:07 acte criminel.
01:28:14 L'individu aux fils électriques,
01:28:19 pour moi, il est mis
01:28:24 Je me dis : " On ne dirait pas
01:28:28 PROCEDURE STANDARD
01:28:29 Procédure standard.
01:28:31 Rien de plus.
01:28:41 Et ça, c'est un crime
01:28:46 Sûrement une procédure standard.
01:28:56 La culotte sur la tête, c'est un petit plus,
01:28:59 mais ça reste de la privation de sommeil.
01:29:03 On ne les torturait pas, au sens propre.
01:29:07 On les incommodait
01:29:17 J'ai passé 20 ans dans l'armée.
01:29:20 J'ai fait la Tempête du Désert 1.
01:29:23 J'ai passé 4 mois à Guantanamo.
01:29:27 Ceux qui n'ont pas vécu ça
01:29:29 ne voient pas les photos de la même façon.
01:29:46 PROCEDURE STANDARD
01:30:03 En rentrant très tard d'une réunion,
01:30:05 j'ouvre un e-mail secret défense.
01:30:08 " Madame, sachez que
01:30:13 " des progrès de l'énquête à Abu Ghraib.
01:30:19 " Cela englobe les allégations
01:30:24 Je lui réponds par e-mail :
01:30:26 " Je suis sans voix. Vous me l'apprenez."
01:30:30 J'énvisageais de tenir
01:30:37 pour dire la vérité et la dire vite.
01:30:40 Pour dire :
01:30:43 " Nous enquêtons
01:30:49 " Nous, Américains,
01:30:53 Le général Sanchez a dit :
01:31:01 La peur de la vérité...
01:31:06 a réduit les gens au silence.
01:31:09 Tout le monde savait.
01:31:10 Tous ceux dans cette prison
01:31:13 qui y vivaient, y bossaient,
01:31:18 Ils venaient demander des copies à Graner.
01:31:21 Il avait des CD pour les copier.
01:31:24 " Et voilà. Lesquelles tu veux ?"
01:31:27 Tout le monde avait une copie d'une photo.
01:31:31 Tout le monde savait.
01:31:34 Quand les photos scandaleuses
01:31:38 le lendemain,
01:31:41 le colonel Pappas a décrété
01:31:45 une période d'amnistie pour le bataillon.
01:31:50 Toutes les preuves ont été détruites.
01:31:54 Brûlez, jetez, videz votre disque dur,
01:31:59 Il a torpillé
01:32:04 tous les gens qui auraient pu venir dire :
01:32:09 " Voilà ce que je sais."
01:32:11 En une journée.
01:32:13 Après la période d'amnistie,
01:32:17 Qui voudra dire :
01:32:22 Personne.
01:32:28 On s'arrange pour gommer ça.
01:32:31 Voilà ce qu'ils ont fait.
01:32:36 On sacrifie les petits.
01:32:51 Je suis un jeune Américain de 28 ans.
01:32:56 Un engagé volontaire.
01:32:58 Et c'est moi qui porte le chapeau.
01:33:07 Mon cœur, tu as épousé une criminelle.
01:33:10 Les photos sont publiques
01:33:12 et je fais l'objet d'une enquête
01:33:17 Plus question de divulguer mes photos
01:33:21 Je savais que ma seule présence
01:33:26 Mais comment dénoncer autrement
01:33:35 On pourrait croire que j'ai peur, mais non.
01:33:39 J'étais sûre de couler avec eux.
01:33:42 Au mauvais endroit, au mauvais moment.
01:33:45 Ce qui craint, c'est que
01:33:50 avait vu les photos
01:33:52 et n'a rien fait.
01:34:26 Mon mari est en prison pour l'instant.
01:34:31 Je peux pas tourner la page
01:34:35 Alors...
01:34:38 c'ést plutôt dur.
01:34:56 Cette machine infernale politique
01:34:59 a valu 3 ans à Lynndie England,
01:35:01 8 ans à Ivan Frederick et à mon mari, 10 ans.
01:35:09 Après la Tempête du Désert,
01:35:13 Notre mission, reconquérir le Koweït,
01:35:18 Cette guerre en Irak, comme au Viêt Nam,
01:35:23 comme celle où on n'était
01:35:28 Et ces photos y contribueront.
01:35:34 La guerre, c'ést angoissant.
01:35:37 Ils étaient souvent bombardés
01:35:42 Un jeune sans expérience
01:35:48 il est largué.
01:35:51 Rétrospectivement,
01:35:54 Avec du recul, ils verront
01:35:59 et qu'ils ont contribué
01:36:04 Mais à ce moment-là,
01:36:09 et là, les règles sont parfois floues.
01:36:15 Lynndie England, je la plains, cette fille.
01:36:18 Elle fait de toute évidence partie
01:36:22 qui ont peu d'éxpérience de la vie.
01:36:24 Rien ne la prédisposait à être mêlée à ça.
01:36:28 Mais elle était amoureuse.
01:36:31 Ambuhl...
01:36:36 Elle a vu qu'ils avaient franchi la ligne
01:36:42 Elle a assisté à quelques scènes,
01:36:48 Elle faisait partie des plus malins.
01:36:55 Sur les photos publiées, on voyait que moi.
01:36:59 Lynndie England
01:37:00 On voyait pas Megan.
01:37:01 Megan Ambuhl
01:37:02 La photo était recadrée.
01:37:07 Graner m'a dit
01:37:16 parce que ça interférait avec sa photo.
01:37:21 C'était peut-être
01:37:25 Je sais maintenant
01:37:29 que je le croyais à l'époque.
01:37:31 Il voulait peut-être la protéger.
01:37:36 Quand a-t-il su que vous étiez enceinte ?
01:37:39 Quand je l'ai appris, le 20 février,
01:37:42 je suis revenue prévenir le commandant.
01:37:45 Ils ont voulu savoir qui était le père.
01:37:48 Je le leur ai dit et je l'ai prévenu.
01:37:51 Il a d'abord paru ravi.
01:37:53 Et puis il a plus voulu
01:37:57 ni du bébé.
01:37:59 Quand l'affaire a été révélée,
01:38:03 il a nié que le bébé était de lui.
01:38:06 Il m'accusait de l'avoir trompé,
01:38:13 S'il veut la jouer comme ça,
01:38:18 Il le verra jamais.
01:38:23 C'ést son choix.
01:38:29 J'étais au mess.
01:38:31 Je lève les yeux
01:38:33 et je vois moi et Dan Rather.
01:38:37 Je fais : " Bordel !"
01:38:39 Ça dit : " Javal, le sergent Javal Davis."
01:38:42 Je fais : " Waouh, c'ést moi !
01:38:46 " D'où ils sortent cette photo ?"
01:38:49 Ils sont allés à mon lycée.
01:38:50 Le journal leur a passé une photo de moi
01:38:54 dans une course de haies,
01:38:58 Ils ont découpé ma tête, je faisais ça...
01:39:02 Mais en fait, je sautais une haie.
01:39:06 Ça me file un air de grosse brute.
01:39:09 Ils montrent des gens nus en pyramide,
01:39:12 puis une photo de moi.
01:39:15 Je fais : " Attendez. Sur ces photos,
01:39:17 " vous voyez un mec noir quelque part ?"
01:39:21 Y aurait pas moi, ni personne d'autre,
01:39:25 ni monde sous le choc, ni scandale,
01:39:29 Ce serait oublié,
01:39:41 Les photos sont ce qu'elles sont.
01:39:44 On peut les interpréter différemment,
01:39:47 mais une photo montre ce qui est.
01:39:56 On peut y mettre n'importe quel sens
01:39:58 mais on voit ce qui s'est passé à cet instant.
01:40:08 L'émotion sur leur visage,
01:40:11 les sentiments dans leurs yeux,
01:40:14 ce ne sont en aucun cas des faits.
01:40:21 On ne peut que décrire la photo.
01:40:27 On a surpris notre administration
01:40:30 Ça leur fout les boules.
01:40:32 Tu peux tuer des gens hors-caméra,
01:40:37 Si c'ést pas filmé, t'és peinard.
01:40:39 Mais si c'ést filmé, t'és mort.
01:40:43 Il y a pas de torture sur ces photos.
01:40:45 On les humiliait,
01:40:48 on les ramollissait.
01:40:49 La torture,
01:40:52 On les interrogeait,
01:40:57 C'était ça, la torture. On n'a pas de photos.
01:41:14 Je croyais que c'étaient
01:41:16 Je ne crois plus ça, plus du tout.
01:41:21 C'ést des gosses devenus boucs émissaires.
01:41:24 Une couverture. Par peur de la culpabilité
01:41:27 et des ramifications, tout le monde la ferme.
01:41:32 Mais ils envoient plein de gens
01:41:37 J'ai reçu un coup de fil
01:41:42 d'un journaliste du Pentagone
01:41:46 qui m'a dit :
01:41:50 J'ai répondu : " Je ne suis pas au courant."
01:41:54 Le général Helmly ne m'a pas appelée.
01:41:57 Il ne m'a pas convoquée à Washington,
01:42:02 pour me relever de mes fonctions.
01:42:06 C'ést une autre forme de lâcheté.
01:42:10 Vous avez peur de regarder
01:42:15 J'ai reçu, 10 jours plus tard,
01:42:21 me retirant le commandement
01:42:29 Mon nom était bien vu dans l'armée
01:42:35 Mon oncle est mort au Viêt Nam,
01:42:38 13 ans avant ma naissance.
01:42:44 Mon père a reçu 2 Etoiles de Bronze,
01:42:47 après le Viêt Nam.
01:42:49 Mon grand-père,
01:42:55 Et voilà que je me retrouve mêlé à ça.
01:43:02 Notre nom échoue...
01:43:05 dans la boue.
01:43:10 On t'apprend dès le début
01:43:16 et que si tu le fais pas, t'auras des ennuis.
01:43:19 Si tu le fais, c'ést clair que tu as des ennuis.
01:43:22 C'ést facile pour des colonels,
01:43:28 " Ils auraient dû voir
01:43:31 " s'opposer à ces lieutenants-colonels,
01:43:34 " S'opposer à eux, en zone de guerre,
01:43:40 C'ést carrément irréaliste de penser...
01:43:45 que c'ést possible.
01:43:49 Tu te fais bombarder,
01:43:53 Les détenus se bricolent des lames,
01:43:57 des armes, se mutinent.
01:44:01 Ce mec a explosé 10 de mes potes.
01:44:04 Il faut lui botter le train.
01:44:06 Je sais ce que je peux faire
01:44:10 Je crois savoir,
01:44:14 Ceux de la CIA, ils viennent et ils font ça.
01:44:17 C'ést: " T'és libre.
01:44:22 C'ést pas la même personne,
01:44:26 et moi, avant d'arriver là-bas.
01:44:31 Je sais pas
01:44:36 Dire : " Je vous emmerde,
01:44:39 et aller en prison
01:44:44 J'én sais rien.
01:44:48 On peut sûrement agir autrement.
01:44:51 J'aurais pu agir autrement,
01:44:57 Si c'était à refaire, je m'éngagerais pas.
01:45:00 C'ést ça que je ferais autrement.
01:45:05 Ça vaut pas le coup.
01:45:08 On en bave pour repartir
01:45:13 Essayer d'éntrer dans une école, essayer...
01:45:19 Ça valait pas le coup.
01:45:24 Je veux recommencer à vivre.
01:45:28 Trouver un boulot, élever mon fils.
01:45:34 J'ai pas beaucoup de choix.
01:45:40 Je peux rien changer, alors...
01:45:45 Et si je le faisais, j'aurais pas Carter.
01:45:50 J'y renoncerais pour rien au monde, alors...
01:45:54 je veux surtout rien changer.
01:46:00 Ainsi va le monde.
01:46:05 Les gens qui te poignardent dans le dos,
01:46:09 C'ést dramatique, c'ést la vie.
01:46:12 On fait avec.