Wer War Kafka Who Was Kafka

fr
00:01:46 Franz a fréquenté uniquement
00:01:49 c'est plus tard qu'il a acquit
00:01:55 Franz est resté toute sa vie
00:01:59 dans l'ombre de ce père impétueux
00:02:03 Hermann Kafka tenait
00:02:07 qui étaient revendus à des marchands
00:02:12 Franz était l'aîné des enfants.
00:02:14 Il avait trois soeurs.
00:02:16 Son éducation a été plus ou moins
00:02:20 étant donné que sa mère travaillait
00:02:24 et devait tenir compagnie au père le soir.
00:02:27 L'enfance de Franz,
00:02:29 nous devons l'imaginer
00:02:34 J'ai fait la connaissance
00:02:37 durant ma première année
00:02:42 Franz avait un an de plus que moi.
00:02:46 À première vue Kafka
00:02:49 quoique étrangement silencieux,
00:02:55 Longtemps, j'ai fréquenté Kafka,
00:03:00 et il fallait longuement le solliciter
00:03:03 pour obtenir de jeter un coup d'oeil
00:03:06 Cette attitude
00:03:09 mais d'une autocritique exagérée.
00:03:12 Puis il me lut un jour, en 1909,
00:03:16 le début d'un roman
00:03:18 "Préparatifs de noces à la campagne".
00:03:22 J'étais bouleversé et ravi.
00:03:26 J'eus l'impression qu'il s'agissait
00:03:30 mais d'un génie.
00:03:34 Dès lors ma relation
00:03:38 Nous nous voyions tous les jours,
00:03:42 Il émanait de lui quelque chose
00:03:44 d'inhabituellement fort,
00:03:47 En sa présence,
00:03:50 Tout apparaissait
00:03:54 souvent d'une manière très triste,
00:04:44 Kafka travaillait dans la compagnie
00:04:49 pour le royaume de Bohême.
00:04:52 Sa conscience du social a été fortement
00:04:56 dont les ouvriers étaient victimes
00:04:59 à la suite de déficiences
00:05:01 Son sens du devoir était exemplaire,
00:05:07 Kafka doit une grande part
00:05:11 ainsi que son pessimisme sceptique,
00:05:14 à ses expériences d'employé
00:05:20 et la vie routinière des bureaux.
00:05:29 Des chapitres des romans
00:05:33 empruntent leurs décors réalistes
00:05:35 au monde professionnel
00:05:39 Combien de fois
00:05:42 et ai-je marché avec lui
00:05:44 dans ces couloirs déserts
00:06:54 Un jour,
00:06:57 des poèmes que j'avais écrits
00:07:00 pour lui demander son avis.
00:07:04 "Qui est ce Dr Kafka ?",
00:07:08 "C'est un bon ami de Max Brod."
00:07:11 "C'est donc le poète
00:07:14 "Oui,
00:07:17 "Qu'a-t-il a dit sur mes poèmes ?"
00:07:23 Mon père m'a emmené au deuxième étage
00:07:28 Un homme grand et mince
00:07:32 Dr. Kafka me tendit la main.
00:07:36 "Dans vos poèmes, il y a encore
00:07:41 "C'est là un trait de jeunesse.
00:07:46 "Le soir, la nuit", je répondis.
00:07:50 Et lui: "S'il n'y avait pas
00:07:54 je n'écrirais pas du tout.
00:07:56 Je ne peux oublier l'obscure cellule
00:08:01 Je ne peux pas écrire
00:08:04 La lumière détourne l'attention.
00:08:08 Peut-être me détourne-t-elle
00:08:46 Sur le travail au bureau
00:08:50 ses Journaux disent des choses
00:08:53 qu'il n'y a rien à rajouter.
00:08:56 Il constate avec frayeur
00:08:58 que tout est prêt en lui
00:09:02 qui représenterait
00:09:07 une véritable résurrection à la vie.
00:09:11 La pureté avec laquelle
00:09:14 Kafka concevait son art s'exprime
00:09:18 "Écrire comme une forme de prière".
00:09:23 Dans une lettre, il me dit:
00:09:26 "Après avoir bien écrit dans la soirée,
00:09:29 j'aurais pu continuer toute la nuit,
00:09:31 et le jour, et la nuit, et le jour,
00:09:33 et finalement m'envoler.
00:09:37 L'immensité du monde
00:10:57 Trois semaines après
00:11:00 nous nous sommes promenés
00:11:03 Nous étions revenus au palais Kinsky,
00:11:11 nous avons vu apparaître
00:11:13 portant un pardessus sombre
00:11:18 Après avoir fait trois pas,
00:11:22 "Franz ! À la maison !
00:11:27 Kafka dit
00:11:32 "Mon père.
00:11:37 L'amour a souvent
00:11:40 Adieu."
00:11:46 En novembre 1919, il a écrit
00:11:52 Sa mère devait la lui remettre.
00:11:56 mais l'a rendue à Franz, probablement
00:14:20 La suite de sa vie, Kafka la construit
00:14:24 pour s'échapper de l'emprise du père.
00:14:26 À côté du père apparaît la mère.
00:14:29 Son attitude soumise envers
00:14:36 Un de ses livres,
00:14:39 Kafka l'a dédié à son père.
00:14:40 La réponse du père,
00:14:47 "Pose-le sur la table de nuit".
00:14:52 Souvent je l'ai accompagné de la
00:14:55 J'étais toujours surpris
00:14:59 Il aimait la ville
00:15:02 Non seulement il connaissait
00:15:05 mais aussi les cours
00:15:10 Il connaissait les vieilles
00:15:14 Il lisait l'histoire de la ville
00:15:21 Il commençait à parler du Ghetto.
00:15:25 "Vous vous rappelez
00:15:30 Les recoins obscurs, les passages
00:15:35 les cours sales, les tavernes bruyantes
00:15:38 Ils continuent à vivre en nous.
00:15:41 Nous parcourons les larges avenues
00:15:45 mais nos pas sont incertains.
00:15:49 À l'intérieur de nous-mêmes,
00:15:52 nous tremblons toujours
00:15:55 Tout éveillés, nous marchons
00:16:00 Tels des spectres des temps passés.
00:19:11 Souvent nous nous sommes
00:19:14 Je l'entendais dire :
00:19:16 "Je voudrais me précipiter
00:19:21 leur embrasser les pieds
00:19:26 Je serais parfaitement heureux,
00:19:33 "Etes-vous seul à ce point ?"
00:19:36 "comme Kaspar Hauser ?"
00:19:40 "Bien pire.
00:23:59 Le dimanche en été, nous faisions
00:24:05 Nous passions
00:24:09 sur les planches
00:24:11 ou dans des barques
00:24:17 L'activité littéraire de Kafka
00:24:21 Il passait parfois des mois
00:24:27 complètement désespéré.
00:24:31 Dans mes Journaux, je retrouve
00:24:37 Sa souffrance, je la connaissais
00:24:44 Il demandait beaucoup à la vie,
00:24:48 c'est-à-dire la perfection,
00:24:51 la perfection ou rien.
00:24:55 Tout son être était désir de pureté.
00:26:13 En 1912, il a rencontré
00:26:17 Cette relation devait dominer
00:26:21 En octobre, il lui a écrit
00:26:26 C'est ainsi que commença
00:26:33 Nous nous sommes connus en juin 1912
00:26:39 Franz m'a écrit une lettre,
00:26:42 et me rappelait
00:26:46 qu'on s'était promis
00:26:48 Il raconte comment
00:26:54 Comment il était assis derrière moi,
00:26:57 et comment je lui ai tendu la main
00:27:01 Plus tard j'ai lu dans son Journal,
00:27:05 "Je l'ai regardée pour la première fois
00:27:10 une fois assis
00:27:16 Après "Le Verdict" il poursuit
00:27:20 du roman "Le disparu" ou "Amérique".
00:27:23 Je cite les notes de mon Journal
00:27:28 "Kafka en extase
00:27:31 Un roman
00:27:35 "Le 3 novembre chez Baum,
00:27:39 il lit son merveilleux
00:27:44 Quand il lisait,
00:27:48 Ce roman est une oeuvre magique.
00:27:53 Sa langue est simple
00:27:57 des visions
00:28:01 On est fasciné par sa beauté
00:28:05 Dès la lecture
00:28:07 la langue et le souffle traduisent
00:28:11 une douceur jamais connue auparavant.
00:28:15 C'est la perfection,
00:28:19 cet achèvement de la forme pure,
00:28:24 devant le mur de l'Acropole.
00:28:28 C'est un nouveau sourire
00:28:32 un sourire proche
00:28:35 un sourire métaphysique
00:29:42 Il écrivait toujours la nuit.
00:29:45 D'abord de la littérature,
00:29:49 Parfois il m'écrivait de son bureau.
00:29:53 Il se plaignait toujours
00:30:00 Il disait qu'il devait concentrer
00:30:05 que s'il n'écrivait pas,
00:30:07 Sa vie consistait à tenter d'écrire.
00:30:16 À l'époque il écrivait son roman
00:30:21 connu plus tard
00:30:24 Une histoire
00:30:30 Sa mère trouvait que son activité
00:30:34 Il se plaignait souvent
00:30:38 comme de celle de ses parents, avec
00:30:44 Parfois il parlait de ses soeurs,
00:30:48 et de son père qu'il haïssait
00:30:58 Rapidement
00:31:01 et il est apparemment
00:31:04 Pourtant,
00:31:07 À cette époque il m'écrivait
00:31:10 Parfois même deux,
00:31:14 Dès novembre,
00:31:20 Un jour il m'a fait apporter des roses
00:31:29 Un jour je lui ai montré
00:31:32 et que j'avais fait relier
00:31:36 Je lui ai présenté le livre.
00:31:41 Il a sorti de sa veste un mouchoir,
00:31:45 l'a remis dans sa veste,
00:31:49 "Vous me surestimez.
00:31:53 Mon griffonnage
00:31:56 On ne devrait pas le publier,
00:31:58 l'exterminer.
00:32:01 J'ai protesté violemment.
00:32:05 Je dois vous contredire.
00:32:09 deviendra une voix significative.
00:32:14 Kafka m'a regardé
00:32:17 "S'il vous plaît,
00:32:20 en couvrant ses yeux
00:32:26 Sur l'écriture encore.
00:32:30 "Pauvre, pauvre amour,
00:32:33 si seulement
00:32:36 de lire ce misérable roman
00:32:42 Il vaudrait mieux tout abandonner
00:32:45 et me creuser une tombe ici même.
00:32:48 Après tout,
00:32:51 de lieu plus beau,
00:32:56 que son propre roman.
00:33:43 Il voulait que je le soutienne,
00:33:47 que je le sauve,
00:33:50 en m'expliquant que je ne serais
00:33:56 au contraire
00:34:01 Il m'écrivait :
00:34:09 L'amour vient, l'amour va,
00:34:18 J'ai eu de plus en plus
00:34:21 peur de l'avenir avec lui,
00:34:25 peur de sa désespérance,
00:34:29 de la vie difficile avec lui.
00:34:32 J'étais si malheureuse,
00:34:35 si déchirée.
00:34:39 Il a senti que je désespérais de lui,
00:34:45 mais en même temps il était
00:34:50 Moi, je voulais une vie
00:34:52 Je rêvais d'une famille,
00:34:56 Un jour il m'a écrit :
00:34:59 "Je ne peux m'exposer
00:35:05 Comprends seulement,
00:35:08 que je devrais te perdre
00:35:11 si je devais jamais
00:35:16 Je lui avais écrit
00:35:21 Il m'a répondu
00:35:24 Que les pleurs des autres
00:35:27 toujours étranges
00:35:30 Il n'aurait pleuré
00:35:34 sur des passages du roman
00:35:40 Il m'a demandé
00:35:42 la permission d'embrasser
00:35:50 Souvent,
00:35:55 Une fois, il a dit :
00:35:58 "Celui qui comprend la vie pleinement,
00:36:03 La peur de la mort est simplement
00:36:07 une expression d'infidélité."
00:36:15 Un jour nous étions sur le quai.
00:36:17 Des wagons de chemin de fer
00:36:21 Nous avons poursuivi notre chemin
00:36:23 Kafka a regardé
00:36:25 le fleuve
00:36:29 Puis il a dit :
00:36:33 "La vérité est toujours un abîme.
00:36:37 L'homme n'est pas
00:36:43 Je suis engagé dans la lutte
00:36:47 "Contre qui ?"
00:36:49 "Contre moi-même."
00:36:53 Une autre fois, il a dit:
00:36:55 "J'envie la jeunesse".
00:36:58 "Vous n'êtes pas si vieux".
00:37:00 "Je suis aussi vieux
00:37:03 vieux comme le Juif éternel."
00:38:48 C'était l'hiver 1917.
00:38:53 Nous souffrions beaucoup
00:38:56 C'est ici que j'ai vu Franz Kafka
00:39:00 Jusque-là il n'avait été pour moi
00:39:04 On disait qu'il avait écrit
00:39:09 mais il n'avait publié
00:39:14 Qui était cet homme ?
00:39:17 Franz Kafka était une rumeur.
00:39:21 La rumeur d'un homme
00:39:25 qui poussait si loin la haine
00:39:30 qu'il se détruisait lui-même.
00:39:33 La rumeur d'un suicidaire qui
00:39:38 Son père, tous les pères,
00:39:43 étaient impliqués
00:39:48 Voilà la légende
00:39:52 Kafka nous apparaissait
00:39:56 que comme un juge
00:40:01 À présent cet homme étrange
00:40:07 malgré la guerre et la frontière.
00:40:10 Voilà que le juge était là,
00:40:13 et je suis allé vers lui,
00:40:15 comme si le procès
00:40:20 Kafka était assis sur une plate-forme,
00:40:24 le visage blême,
00:40:28 un personnage incapable
00:40:35 Ainsi lisait-il,
00:40:43 "À la colonie pénitentiaire".
00:40:47 Sa voix avait beau avoir
00:40:50 ses images me pénétraient
00:40:54 des aiguilles de glace douloureuses.
00:40:58 Jamais des paroles n'avaient
00:41:03 Je suis resté jusqu'à la fin,
00:41:06 même si mon coeur s'arrêtait
00:41:12 J'ai pris rendez-vous avec Kafka
00:41:21 Dans la grisaille brumeuse
00:41:23 nous avons traversé des champs
00:41:26 Le monde semblait évanoui
00:41:30 Kafka essayait sans arrêt
00:41:33 Une maladie des poumons était devenue
00:41:37 surtout contre son père.
00:41:40 Il était comme tétanisé
00:41:47 Cette haine
00:41:53 Mais Kafka ne voulait pas
00:41:56 il était obsédé
00:41:59 dans laquelle le père
00:42:04 Heureux dans son amertume
00:42:08 il lui donnait pourtant
00:42:13 Le fils, en apparence un insurgé,
00:42:15 se soumet en réalité
00:42:19 Le fils donne raison au père
00:42:21 et exécute contre lui-même
00:42:26 Un violent amour se cache
00:42:31 Le fils ne peut haïr
00:42:34 que parce qu'il lui avait voué
00:44:16 Nous marchions dans la rue Melantrich
00:44:18 devant l'horloge de l'Hôtel de ville
00:44:20 pour arriver chez Kafka, entre la Place
00:44:25 Alors que nous étions
00:44:31 "Tout navigue sous de faux pavillons,
00:44:35 Moi, je rentre maintenant chez moi.
00:44:39 En réalité, je vais prendre place
00:44:44 d'autant plus dur qu'il ressemble
00:44:47 tout à fait ordinaire
00:44:48 et que personne à part moi,
00:44:54 J'habite chez mes parents.
00:44:57 J'ai bien une petite chambre à moi,
00:45:01 rien qu'un refuge où je peux cacher
00:45:06 pour mieux y succomber."
00:45:10 À propos de l'insomnie
00:45:14 "Peut-être cache-t-elle
00:45:18 Peut-être ai-je simplement
00:45:21 qui me quitte pendant le sommeil
00:45:27 Finalement il est venu à Berlin.
00:45:31 à l'hôtel "Cour Askane".
00:45:34 Enfin je l'ai appelé
00:45:38 Il craignait,
00:45:42 de sentir, assis à côté de moi,
00:45:45 mon souffle et mon corps,
00:45:48 tout en étant complètement ailleurs
00:45:51 et infiniment lointain.
00:45:59 Une fois rentré chez lui à Prague,
00:46:04 était de ne jamais parvenir
00:46:07 que dans le meilleur des cas,
00:46:11 que poser un baiser sur ma main
00:46:15 ce qui ne serait pas un geste d'amour,
00:47:51 Le 18 août il me dit
00:47:56 qu'il a demandé sa main à Felice.
00:48:04 Il a informé ses parents
00:48:08 C'était la toute première fois
00:48:13 Puis il à écrit à mon père.
00:48:17 Moi, une fille gaie,
00:48:21 silencieux, asocial,
00:48:25 tout son être absorbé
00:48:30 Il a écrit à mon père que
00:48:34 même parmi
00:48:36 il se sentait plus étranger
00:48:39 Il se demandait comment
00:48:44 lui et sa littérature, très douteuse,
00:48:51 Ce ne serait pas les faits,
00:48:55 qui l'empêcheraient de se marier,
00:48:57 mais la peur,
00:49:54 En septembre il m'a lu
00:50:00 On comprend alors
00:50:02 à côté de la tragédie humaine
00:50:06 la souffrance de son peuple malheureux,
00:50:09 ce fantomatique
00:50:13 Et sans que le mot "juif'
00:50:21 Dr. Kafka était
00:50:24 Il disait : "La patrie Palestine
00:50:26 représente pour les juifs
00:50:32 De la Karpfengasse
00:50:35 jusqu'à la patrie,
00:50:40 Je viens d'un autre monde.
00:50:44 Mon monde à moi s'éteint.
00:50:51 Lors d'une autre promenade
00:50:54 "On ne peut échapper à soi-même.
00:50:58 Il faut voyager loin
00:51:00 pour retrouver
00:52:24 En 1913, vers la fîn de l'année,
00:52:27 il m'a annoncé
00:52:30 Je lui écrivais de moins en moins.
00:52:33 Il s'est plaint
00:52:37 et m'a reproché de le vouloir différent
00:52:45 Il m'a demandé
00:52:49 et qui il était devenu
00:52:55 Puis, je n'ai plus répondu
00:53:02 Quand je l'ai appelé
00:53:05 il a fini par ressentir
00:53:09 comme il me l'a écrit plus tard.
00:53:12 Il voulait venir à Berlin.
00:53:15 Il refusait d'entendre l'hésitation
00:53:19 mon manque d'envie
00:53:27 Pendant notre dernière conversation,
00:53:32 Il a trouvé cela très humiliant.
00:53:35 Il l'a vécu comme un dégoût
00:53:41 Il m'a reproché de ne pas parler
00:53:44 Que tout serait différent,
00:53:46 mais autrement,
00:53:53 Il m'a assurée de son amour.
00:53:56 Nous nous sommes
00:54:03 Nous avons une nouvelle fois
00:54:05 Il est venu deux jours à Berlin.
00:54:09 Il était fatigué, inattentif,
00:54:17 Nous n'étions jamais seuls
00:54:20 de n'avoir même pas pu
00:54:24 Finalement il souhaitait vraiment
00:54:29 Je suis allée le voir à Prague.
00:54:31 Nous avons commencé
00:54:34 Il me trouvait belle
00:54:39 On n'a pas beaucoup parlé,
00:54:46 J'ai recommencé
00:54:52 Mais finalement,
00:54:59 Nous avons encore rompu nos fiançailles
00:55:02 en présence de deux amis
00:55:07 Franz a écrit une lettre à mes parents
00:55:15 Il m'a présentée
00:55:19 et en même temps
00:55:25 J'ai crié contre lui
00:55:33 Il n'a presque rien dit,
00:55:41 Quand il m'a annoncé
00:55:44 il a soudain commencé à pleurer.
00:55:47 C'est la seule fois
00:55:52 Je n'oublierai jamais cette scène,
00:55:54 elle est ce que j'ai vécu
00:56:03 Plus tard,
00:56:08 que j'avais souffert deux ans
00:56:11 et que je ne pourrais pas
00:56:16 Une de ses dernières phrases a été :
00:56:21 "Je ne peux pas croire
00:56:25 personne n'ait jamais et plus
00:56:31 que moi pour toi,
00:56:34 et cela depuis le début
00:56:36 et peut-être pour toujours."
00:57:56 Le 9 septembre 1917,
00:58:02 qu'il était atteint aux deux poumons,
00:58:06 qu'il se rendait pour au moins
00:58:11 Je suis allée le voir en septembre
00:58:16 Pour lui, cette maladie
00:58:20 mais une banqueroute.
00:58:24 Il était convaincu
00:58:29 Le dernier mot que j'ai lu de lui
00:58:35 Sept ans avant sa mort."
00:58:42 Les crachements de sang,
00:58:47 il les explique psychologiquement,
00:58:52 Il l'appelle : Sa défaite définitive.
00:58:57 Il considère sa maladie
00:59:00 Franz a enduré
00:59:03 et parfois avec une sérénité joyeuse.
00:59:07 Jusqu'en été 1918,
00:59:12 Puis il est revenu à Prague.
00:59:16 Trois ans plus tard,
00:59:20 "Il n'y a personne ici
00:59:24 Avoir auprès de moi quelqu'un doté
00:59:28 par exemple une femme,
00:59:29 cela voudrait dire, avoir pied
00:59:38 En 1920, Franz tombe amoureux
00:59:42 Milena Jesenska,
00:59:45 un très grand écrivain
00:59:52 Pendant presque trois ans,
00:59:56 parfois jusqu'à trois par jour.
01:00:00 Cette relation passionnelle,
01:00:02 qui, au début, signifiait pour Kafka
01:00:06 devait rapidement
01:00:10 Max Brod m'a demandé
01:00:15 que Franz Kafka craigne l'amour,
01:00:20 mais pas la vie.
01:00:24 Je pense
01:00:28 Pour lui la vie est quelque chose
01:00:32 que pour tous les autres hommes.
01:00:35 Il ne comprend pas les choses
01:00:41 Sa gêne envers l'argent par exemple,
01:00:45 est presque la même que celle
01:00:51 Tout cela
01:00:57 Franz ne pouvait pas vivre.
01:01:02 Franz n'avait pas
01:01:08 Franz n'aurait jamais pu guérir.
01:01:14 Franz devait mourir jeune.
01:01:20 Il était sans la moindre défense.
01:01:27 C'est pourquoi il était exposé
01:01:32 à tout ce dont nous autres
01:01:38 Il était nu parmi les habillés.
01:01:42 Ses livres sont étonnants.
01:01:48 Kafka lui-même
01:03:02 L'automne humide,
01:03:04 puis un hiver
01:03:07 aggravèrent la maladie de Kafka.
01:03:10 Dans son bureau,
01:03:16 "Il a de la fièvre",
01:03:21 "Peut-être qu'on ne le reverra
01:03:24 Je suis rentré
01:03:28 Sa place est restée vide
01:03:34 Mais un jour,
01:03:37 Pâle, voûté, souriant.
01:03:43 Il m'a dit qu'il était
01:03:46 et chercher des écrits personnels.
01:03:51 Qu'il n'allait pas bien du tout,
01:03:54 qu'il allait partir prochainement
01:04:01 Sa voix se perdit dans une toux sèche
01:04:04 et convulsive
01:04:09 En lui faisant mes adieux
01:04:11 je lui ai dit :
01:04:15 L'avenir va tout arranger.
01:04:20 Dr. Kafka a posé avec un sourire
01:04:24 "L'avenir est déjà là.
01:04:28 Le changement n'est que le devenir
01:05:30 J'ai entre les mains la lettre
01:05:35 qui contient à la fois
01:05:43 "Ne pas s'écrire
01:05:49 accepte cette demande en silence,
01:05:54 elle seule peut me permettre
01:06:01 tout le reste
01:06:08 J'ai demandé à Max Brod,
01:06:11 j'avais confiance en lui,
01:06:14 dans cette heure peut-être
01:06:21 "S'il vous plaît,
01:06:26 Je sais qui est Franz;
01:06:32 et je ne sais pas
01:06:37 Vous étiez avec lui
01:06:44 vous devez le savoir :
01:06:48 Suis-je coupable
01:06:55 Par ailleurs j'ai demandé à M. Brod
01:06:59 comment Franz Kafka allait.
01:07:04 Depuis des mois
01:07:12 Sa peur,
01:07:15 je la connaissais
01:07:21 Elle existait bien avant moi,
01:07:29 J'ai connu sa peur
01:07:36 Pendant les quatre jours
01:07:41 il l'avait perdue.
01:08:07 "Ne pas écrire
01:08:11 et éviter de se rencontrer.
01:08:19 Accepte seulement
01:08:27 Elle seule
01:08:29 peut me permettre
01:08:37 Tout le reste
01:10:34 En 1923, Franz a rencontré à Muritz,
01:10:38 la jeune Dora Diamant,
01:10:40 Elle venait d'une famille respectée
01:10:44 C'était une hébraïsante remarquable;
01:10:47 Kafka apprenait à l'époque
01:10:51 Il est revenu de sa villégiature
01:10:54 Il avait pris la décision
01:10:57 de partir à Berlin
01:11:02 De Berlin, il m'a écrit
01:11:05 qu'il se sentait heureux
01:11:08 Il habitait avec Dora en banlieue,
01:11:11 à Steglitz, où je lui ai
01:11:16 J'ai découvert une véritable idylle,
01:11:19 enfin j'ai revu mon ami
01:11:22 Il travaillait avec ardeur.
01:11:31 J'ai vu Kafka pour la première fois
01:11:34 au bord de la mer Baltique,
01:11:36 en été 1923.
01:11:40 À l'époque,
01:11:45 je travaillais dans un camp de vacances
01:11:49 à Müritz près de Stettin.
01:11:53 Un jour, à la plage,
01:11:58 et deux enfants, en train de jouer.
01:12:02 Je n'arrivais pas à l'oublier.
01:12:06 Je les ai même suivis dans la ville.
01:12:13 Un jour, on nous a annoncé
01:12:16 que le Dr Franz Kafka
01:12:22 À cette heure là,
01:12:26 Quand j'ai levé les yeux
01:12:29 la pièce s'était assombrie,
01:12:31 il y avait quelqu'un dehors
01:12:34 J'ai reconnu l'homme de la plage.
01:12:38 Puis il est entré.
01:12:42 et que la femme avec laquelle
01:12:49 Le soir, nous étions tous assis
01:12:55 Un petit garçon s'est levé
01:12:58 il s'est senti si gêné
01:13:03 Kafka lui a dit
01:13:07 "Avec quelle agilité tu es tombé
01:13:12 Ces mots,
01:13:17 semblaient vouloir dire
01:13:22 sauf Kafka lui-même.
01:13:26 Pourquoi Kafka m'a-t-il fait
01:13:31 Je venais de l'Est,
01:13:33 telle une créature sombre
01:13:38 comme sortie
01:13:42 Quand j'ai vu Kafka
01:13:45 son image correspondait
01:13:50 Lui aussi se tournait vers moi
01:13:54 comme s'il attendait
01:13:57 Le plus frappant dans son visage,
01:14:03 Il avait des yeux marrons et timides,
01:14:07 qui brillaient quand il parlait.
01:14:11 On y décelait parfois
01:14:19 plus de la malice que de l'ironie,
01:14:23 comme s'il savait des choses
01:14:30 Kafka se devait d'écrire,
01:14:36 parce que l'écriture
01:14:40 Quand on dit
01:14:45 cela signifie que pendant
01:14:48 et quatorze nuits,
01:14:51 Généralement,
01:14:55 il marchait d'un pas lourd
01:14:59 Il parlait peu,
01:15:03 ne s'intéressait à rien,
01:15:09 Souvent, il me lisait
01:15:16 sans jamais rien analyser
01:15:21 De temps à autre, il disait :
01:15:23 "J'aimerais bien savoir
01:15:28 Pour libérer son âme
01:15:32 il voulait brûler
01:15:36 J'ai respecté sa volonté
01:15:40 j'ai brûlé sous ses yeux
01:15:45 Ce qu'il voulait vraiment écrire
01:15:49 quand il aurait conquis sa "liberté".
01:15:55 Franz Kafka est la première personne
01:16:00 qui m'ait parlé comme à un adulte
01:16:06 L'intérêt qu'il me portait
01:16:08 représentait un grand cadeau
01:16:12 J'ai été saisi
01:16:15 Je n'étais plus l'insignifiant
01:16:18 mais un être humain
01:16:28 Et cela, je le devais au Dr. Kafka.
01:16:31 C'est pourquoi je l'admirais
01:16:35 J'ai senti que je grandissais,
01:16:37 devenant plus libre et meilleur.
01:16:40 J'ai appris avec le Dr Kafka
01:16:43 Il a été pour moi
01:16:47 Je ne trouvais rien de plus beau
01:16:51 ou de vagabonder avec lui
01:16:54 dans les jardins
01:16:56 en l'écoutant
01:17:01 Je crois plutôt que c'est nous tous,
01:17:05 le monde entier et tous les hommes,
01:17:10 et lui le seul être sain,
01:17:15 le seul à comprendre
01:17:20 le seul être vraiment pur.
01:17:28 Ce n'est pas contre la vie
01:17:34 mais seulement
01:17:44 Si j'avais réussi à rester avec lui,
01:17:52 il aurait pu vivre heureux avec moi.
01:19:45 Un jour, la femme de ménage m'a dit :
01:19:52 sans bruit et sans se faire remarquer,
01:19:56 Il a disparu comme il avait vécu ici
01:19:58 Je ne sais pas
01:20:02 Elle m'a parlé d'une belle tasse
01:20:08 dans laquelle il avait souvent bu
01:20:11 "Prenez-la donc, jeune homme,
01:20:18 Cette tasse en porcelaine
01:20:25 Je n'ai jamais osé
01:20:28 qu'il avait dû toucher
01:20:37 Son état de santé s'étant aggravé,
01:20:44 Dans une clinique viennoise,
01:20:47 une tuberculose du larynx
01:20:50 Terrible journée de malheur.
01:20:53 Le 17 mars 1924,
01:21:01 Il habitait
01:21:03 Ce qu'il ressentait comme un échec
01:21:06 de ses projets d'indépendance,
01:21:10 Il m'a demandé
01:21:14 Il parlait comme s'il savait que nous
01:21:21 Échapper à l'emprise de Prague,
01:21:25 a été la grande réussite de sa vie,
01:21:29 même si elle est arrivée très tard.
01:21:33 Il ne haïssait pas Prague
01:21:36 Il souffrait surtout de la peur
01:21:41 Je suis restée à Berlin. Kafka
01:21:45 dans la maison où était né
01:21:52 D'une certaine manière
01:21:56 même si à la fin il aurait bien aimé
01:22:04 Il a quitté Prague très malade,
01:22:13 Le dimanche 11 mai 1924,
01:22:15 je suis parti à Vienne
01:22:19 Étrangement, tout le trajet
01:22:24 Ce que Dora m'a raconté
01:22:27 c'est qu'il voulait se marier
01:22:30 Il avait écrit une lettre à son père
01:22:35 qui a répondu,
01:22:40 Une fois Dora me prit à part
01:22:44 "Chaque nuit une chouette
01:22:48 L'oiseau des morts."
01:22:52 Mais Franz voulait vivre.
01:22:54 Il observait les prescriptions
01:22:58 que je ne lui avais jamais connue.
01:23:01 S'il avait rencontré Dora plus tôt,
01:23:03 sa volonté de vivre
01:23:05 serait revenue plus vite
01:23:10 Touchante était la sollicitude
01:23:13 touchant aussi le réveil tardif
01:23:18 Maintenant, à l'article de la mort,
01:23:22 et il aurait aimé vivre.
01:23:34 Je l'ai retrouvé dans un sanatorium
01:23:37 de la forêt viennoise,
01:23:43 C'est ici qu'on a diagnostiqué
01:23:48 Comme il ne devait plus parler,
01:23:52 surtout l'effet désastreux
01:23:58 Il avait une belle chambre,
01:24:01 constamment exposée au soleil,
01:24:07 Je suis restée avec lui.
01:24:09 Plus tard son ami
01:24:13 De ce sanatorium, Kafka a écrit
01:24:19 à ses soeurs et à Max Brod,
01:26:31 Le soir avant sa mort,
01:26:37 Vers quatre heures du matin,
01:26:42 parce que Kafka
01:26:46 Il a immédiatement décelé la crise
01:26:52 qui lui a déposé
01:26:58 Le lendemain vers midi,
01:27:03 C'était le 3 juin 1924.
01:27:58 Le 3 juin 1924, un mardi,
01:28:03 Franz Kafka est mort.
01:28:06 Le corps a été transporté à Prague
01:28:09 dans un cercueil plombé
01:28:11 et inhumé le 11 juin à quatre heures
01:28:15 de Prague-Strasnice.
01:30:07 J'ai été bouleversée,
01:30:12 j'ignorais que sa maladie
01:30:19 était si grave.
01:30:24 Après sa mort j'ai publié
01:30:31 "Pardony listy" à Prague.
01:30:36 J'y ai écrit :
01:30:44 un écrivain allemand
01:30:51 Peu de gens le connaissaient ici,
01:30:54 car c'était un solitaire,
01:30:59 un sage,
01:31:01 un être effrayé par le monde.
01:31:06 Il en savait sur le monde
01:31:11 que tous les hommes du monde.
01:31:20 Il a écrit les livres
01:31:22 les plus importants
01:31:26 on y retrouve les luttes
01:31:30 de la génération d'aujourd'hui
01:31:36 Ils sont pleins d'ironie
01:31:39 et du regard sensible d'un homme
01:31:45 qui voyait le monde si clairement
01:31:51 qu'il ne pouvait pas le supporter
01:31:55 et devait en mourir.
01:32:02 Presque tous les écrits
01:32:05 j'ai dû les lui extorquer,
01:32:09 Dans sa succession
01:32:13 Il y avait dans son bureau,
01:32:17 une feuille pliée, avec mon adresse
01:32:21 dans lesquelles il me demandait
01:32:25 Les romans,
01:32:30 Un jour, nous en avions parlé.
01:32:33 Il avait dit :
01:32:37 je te demande de tout brûler."
01:32:40 Je me rappelle très bien
01:32:44 "Si tu crois sérieusement
01:32:48 je peux te dire tout de suite
01:32:52 Convaincu du sérieux de ma réponse,
01:32:55 Kafka aurait dû chercher
01:32:58 comme exécuteur testamentaire.
01:33:03 Il connaissait l'admiration
01:33:09 La succession contenait
01:33:14 Les trois romans en constituent
01:33:20 Peu d'écrivains ont connu ce destin,
01:33:27 d'être presque totalement
01:33:30 et de devenir après leur mort
01:33:39 Je ne peux pas me résoudre
01:33:44 que la magie qui émanait de lui
01:33:46 et qui perdure en moi
01:33:52 Je crains pour l'image
01:33:56 qui continue à vivre en moi,
01:33:58 qui m'a toujours donné force et soutien
01:34:03 de pensée et de vie.
01:34:10 En 1924,
01:34:14 j'ai lu la nouvelle de sa mort
01:34:23 Avec cet homme étrange,
01:34:27 en mythe de son vivant.
01:34:32 Kafka survit au beau milieu
01:34:36 une lumière blafarde, qui,
01:34:43 continue à briller.
01:34:51 J'ai une envie folle
01:34:56 Je ressens une terrible nostalgie
01:35:01 Cela me bouleverse
01:35:07 Je rêvais d'avoir un enfant avec lui
01:35:10 et que nous partions ensemble
01:35:14 Maintenant j'ai un enfant,
01:35:18 et je pars en Palestine,
01:35:22 Mais son argent me permet
01:35:27 Au moins ça.